Depuis plusieurs années, le Québec est aux prises avec des relations plus ou moins tumultueuses entre l’État et les confessions religieuses. Une commission d’étude a étendu le débat dans toutes les régions du Québec pour tenter de définir les accommodements raisonnables.
Jusqu’à tout récemment, le christianisme, particulièrement l’Église catholique, dominait dans le paysage public. Les églises pointaient leurs clochers dans toutes les localités et rappelaient aux bons citoyens qu’ils devaient être aussi de bons chrétiens. Le crucifix trônait dans les salles des conseils municipaux. Les lois civiles s’inspiraient de l’Évangile. Et monsieur le curé avait souvent le dernier mot d’autant plus qu’étant gardien de la morale, il avait le droit de véto sur tout ce qui se passait sur la place publique comme dans la vie privée.
Les immigrants en provenance de l’Europe partageaient à peu près la même culture religieuse que les québécois et les québécoises. Jusque-là pas de problème : les Italiens apportaient leurs recettes de pâtes alimentaires, les grecs leurs pizza, les portugais leurs sardines. Tout le monde se régalait.
Le problème a surgi quand l’Orient est débarqué, le Moyen et l’Extrême Orient. Les juifs sont apparus avec leurs phylactères. Les musulmanes commencèrent à arpenter les rues avec leur voile et quelque fois leur burka ou leur niqab. Ces nouveaux arrivants prennent de la place dans le paysage urbain et de plus en plus dans les régions éloignées des grands centres. Ils prennent la place qu’on leur laisse et on leur en laisse beaucoup, comme c’est le cas dans tout pays où la liberté a droit de cité.
Cette nouvelle situation remet en cause la place qu’occupent les confessions religieuses dans une société en grande mutation comme la nôtre. Nous devons devenir une société laïque. Qu’est-ce à dire? La question est difficile à cerner, les réponses nombreuses et tout aussi difficiles à élaborer :
«La liberté de conscience et de religion est considérée chose acquise dans les États de droit, mais elle est sans doute l’une des libertés fondamentales qui suscite le plus de questionnements relatifs à son aménagement, à sa régulation, à sa portée et à ses limites. Les appartenances religieuses peuvent-elles s’exprimer dans les institutions publiques? La laïcité exige-t-elle l’effacement de la religion dans la sphère publique et son replis dans la sphère privée?» (Micheline MILOT, La laïcité, Montréal, Novalis, 2008, p. 7)
Le débat occupe les médias et les conversations. Il suscite des prises de position qui vont dans tous les sens. Les audiences de la Commission Bouchard-Taylor en a présenté de vibrants témoignages.
Une chose est certaine : la laïcité est une chance pour l’Église québécoise. Elle nous permet de bien distinguer les diverses expressions de notre foi, celles qui traduisent l’authentique message du Christ et celles qui ne sont que l’expression d’une culture particulière. Nous ne pouvons pas entretenir une société où tout serait chrétien. Il faut rendre à César ce qui lui appartient et laisser à Dieu ce qui lui revient : Jésus a été clair sur le sujet, il me semble (Luc 20, 25)!
La laïcité nous permet de retourner à nos racines de croyants et de croyantes. Elle nous oblige à dépasser les ambiguïtés. Elle nous force à préciser le contenu de notre foi et ses formes d’expression. Bref, à retourner à l’Évangile.