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Le psalmiste,

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Le psalmiste

Psaume 18 (17) Louange à Dieu qui fortifie et sauve les humbles

Imprimer Par Christian Eeckhout

Quel est ce psaume ?

Le psaume que nous présentons fait partie du premier livret du psautier, plus précisément du premier recueil davidique qui contient les psaumes 3 à 41. C’est un cantique de remerciement à Dieu exprimé par son serviteur pour la délivrance reçue après un grave danger vécu, comme un risque mortel. L’action de grâces à Dieu qu’est la « tôdah » c’est miser – contre tout espoir humain – sur l’espérance divine. Ceci caractérise la piété juive et entraîne une action qui se chante dans un émerveillement de la grandeur unique de Dieu. Confession, louange et gratitude des humbles, puisqu’à travers les voies sans issue, Dieu les conduit à Sa délivrance.
C’est un poème cultuel que les lévites revenus de l’exil à Babylone attribuent au roi et qu’ils pouvaient entonner au temple de Jérusalem à partir de 515 avant Jésus-Christ. Il contient plusieurs aramaïsmes. Composé comme une ode triomphale de la part du roi et adressée à Dieu, on la qualifié de « Te Deum royal », ce psaume a un doublet qui est le supplément mis en finale du 2e livre de Samuel (2S 22,1-51) et il est apparenté à plusieurs récits composés après l’exil, tel le livre de Job ou la fin du livre du prophète Michée.

Présentation

Le plan du psaume 18 est assez complexe et permet plusieurs niveaux de lectures. Il commence par un titre historique (v.1) et se conclut par l’évocation de David (v. 51). Un prélude (v. 2 à 4) introduit (en 1e partie) une action de grâce (v. 5 à 28) après une lamentation (v.) et contient une théophanie (v. 8 à 16). Il est relié par une transition (v. 29 à 31) à un cantique de victoire (v. 32 à 46) (en 2e partie) où Dieu répond aux humbles, aux « ‘anawim » les « pauvres de Yahvé ». La finale (v. 47 à 50) aboutit à la déclaration messianique (v. 51).

L’unité du psaume est marquée dans le vocabulaire de libération des ennemis par Dieu qui ressort tout au long (v. 1.4.18.38.41.49). Il est cohérent avec le binôme « détresse-délivrance » bien visible dans l’histoire de David (1S 26,24 ; 30,6 ; 2S 4,9 ; 1R 1,29).
Puisque ce psaume est un peu plus long, nous reproduisons le texte au fur et à mesure des sections présentées selon cette structure d’après La Bible de Jérusalem © Les Éditions du Cerf, Paris 1997. Ce qui apparaît entre crochets [] se trouve dans la tradition de la Septante.

Au fil des versets du cantique
1. “Du maître de chant. Du serviteur de Yahvé, David, qui adressa à Yahvé les paroles de ce cantique, quand Yahvé l’eut délivré de tous ses ennemis et de la main de Saül.”

Le titre messianique « serviteur du Seigneur » ne se retrouve qu’au Ps 36,1. L’en-tête du psaume mentionne le personnage historique de « David » (v.1) dans son rapport à Dieu et se conclut par l’évocation de Dieu qui intervient pour son roi, son oint, mentionnant à nouveau « David et sa descendance » (v. 51) formant de la sorte une inclusion littéraire.

Ce psaume se veut royal par la mention supplémentaire de « Saül » premier roi d’Israël institué par Samuel au XIe siècle avant Jésus-Christ. Mais le psalmiste qui pense au retour d’exil à Babylone du VIe s. ajoute la précision importante qu’il s’agit ici d’une prière après la délivrance obtenue par Dieu « de tous ses ennemis » ainsi que de la jalousie meurtrière de Saül (rappelée aux vv. 18.49c) avant qu’il ne reconnaisse le bien-fondé des intentions du zélé David qui épargna son roi en tant qu’il est « oint de Dieu ». (cf. 1S 24).

Reconnaissance des actions de salut de Dieu

Un prélude (v. 2 à 4) introduit une première partie (v. 5 à 28), dans le style des lamentations individuelles (à la 1e personne), dans laquelle s’insère une description théophanique impressionnante (v. 8 à 16). Dieu est nommé sous les vocables d’ «’Él, Éloah et Yahvé ».
Regardons successivement la confidence et la louange des vv.2-7 ; 17-27 et puis 8-16.
D’abord le psalmiste confesse la bonté de Dieu, puis il décrit le malheur duquel il a été délivré. Dieu a entendu le cri du suppliant et intervient en délivrant son serviteur des ennemis que sont les puissances démoniaques représentées par le « Shéol » ou les enfers, de « Bélial », mot qui en hébreu « beliya’al » désigne parfois ce qui ne vaut plus rien, personnifié en « Vaurien », autrement dit le néant. Dieu délivre même de la mort. Dieu délivre et pardonne à cause de Sa tendresse miséricordieuse.
2. “Il dit : Je t’aime, Yahvé, ma force [mon sauveur, tu m’as sauvé de la violence].
3. Yahvé est mon roc et ma forteresse, mon libérateur, c’est mon Dieu.
Je m’abrite en lui, mon rocher, mon bouclier et ma force de salut, ma citadelle et mon refuge.
4. J’invoque Yahvé, digne de louange et je suis sauvé de mes ennemis.
5. Les flots de la mort m’enveloppaient, les torrents de Bélial m’épouvantaient;
6. les filets du Shéol me cernaient, les pièges de la mort m’attendaient.
7. Dans mon angoisse j’invoquai Yahvé, vers mon Dieu je lançai mon cri;
il entendit de son temple ma voix et mon cri parvint à ses oreilles.”
Le v. 7 et les v. 17 et suivants ont des verbes d’action (forme yiqtol) ce qui permet de les relier directement. Ce qui est particulier au Ps 18 est qu’il présente le péché et le mal comme extérieurs au psalmiste, puisque celui-ci proclame sa « justice » (v. 21.25) devant Dieu (cf. Ps 15,2 ; 17,3-4) et rend grâce d’avoir été délivré d’ennemis extérieurs avant de demander d’être libéré de ses maladies intérieures. (Ce que feront les Ps 30 à 34).

17. “Il envoie d’en haut et me prend, il me retire des grandes eaux,
18. il me délivre d’un puissant ennemi, d’adversaires plus forts que moi.
19. Ils m’attendaient au jour de mon malheur, mais Yahvé fut pour moi un appui;
20. il m’a dégagé, mis au large, il m’a sauvé, car il m’aime.
21. Yahvé me rend selon ma justice, selon la pureté de mes mains me rétribue,
22. car j’ai gardé les voies de Yahvé sans faillir loin de mon Dieu.
23. Ses jugements sont tous devant moi, ses décrets, je ne les ai pas écartés,
24. mais je suis irréprochable avec lui, je me garde contre le péché.
25. Et Yahvé me rétribue selon ma justice, ma pureté qu’il voit de ses yeux.
26. Tu es fidèle avec le fidèle, sans reproche avec l’irréprochable,
27. pur avec qui est pur mais rusant avec le fourbe,
28. toi qui sauves le peuple des humbles, et rabaisses les yeux hautains.”

Une description théophanique (v. 8 à 16), à la 3e personne, décrit la venue de Dieu qui resplendit dans sa création aux perspectives cosmiques. Les métaphores du feu, de la sombre nuée et de la mer desséchée sont proches de Ps 29,3-9 de Ps 97,3-5 et de l’ouverture du livre de Nahum (cf. Na 1,2-4), rappelant le passage de la mer et celui du Jourdain (cf. Ex 14,21-22 ; 15,8 et Jos 3,14-16). C’est une description de Dieu victorieux dominant les forces de la nature et qui pourra par conséquent venir au secours de son fidèle. L’inclusion sur la mention de la « fumée des narines » pour signifier la colère aux vv. 9a et 16d (comme en Ex15,7-8a) avec la suite de verbes hébraïques au futur inverti (forme wayyiqtol) montre l’inclusion et l’unité de ce bloc littéraire.

8. “Et la terre s’ébranla et chancela, les assises des montagnes frémirent
[sous sa colère elles furent ébranlée] ;
9. une fumée monta à ses narines et de sa bouche un feu dévorait
[des braises s’y enflammèrent].
10. Il inclina les cieux et descendit, une sombre nuée sous ses pieds;
11. il chevaucha un chérubin et vola, il plana sur les ailes du vent.
12. Il fit des ténèbres son voile, sa tente, ténèbre d’eau, nuée sur nuée;
13. un éclat devant lui enflammait, grêle et braises de feu.
14. Yahvé tonna des cieux, le Très-Haut donna de la voix;
15. il décocha ses flèches et les dispersa, il lança les éclairs et les chassa.
16. Et le lit de la mer apparut, les assises du monde se découvrirent,
au grondement de ta menace, Yahvé, au vent du souffle de tes narines.”

La deuxième partie (29-46) exprime la poursuite des ennemis (cf. 1S 30,8).
Après une transition (v. 29 à 31) grâce au mot crochet du « Rocher » (v.3.32), le récit est relié par le mot crochet « bouclier » (v.31.36) à la suite (v. 37 à 46). Lu comme si c’était David qui priait, le psalmiste peut voir dans l’enceinte et sa muraille la forteresse jébuséenne qu’était Sion avant la venue de David comme roi d’Israël et de Juda.

29. “C’est toi, Yahvé, ma lampe, mon Dieu éclaire ma ténèbre;
30. avec toi je force l’enceinte, avec mon Dieu je saute la muraille.
31. Dieu, sa voie est sans reproche et la parole de Yahvé sans alliage.
Il est, lui, le bouclier de quiconque s’abrite en lui.
32. Qui donc est Dieu, hors Yahvé? Qui est Rocher, sinon notre Dieu?
33. Ce Dieu qui me ceint de force et rend ma voie irréprochable,
34. qui égale mes pieds à ceux des biches et me tient debout sur les hauteurs,
35. qui instruit mes mains au combat, mes bras à bander l’arc d’airain.
36. Tu me donnes ton bouclier de salut [ta droite me soutient], tu ne cesses de m’exaucer,
37. tu élargis mes pas sous moi et mes chevilles n’ont point fléchi.
38. Je poursuis mes ennemis et les atteins, je ne reviens pas qu’ils ne soient achevés;
39. je les frappe, ils ne peuvent se relever, ils tombent, ils sont sous mes pieds.
40. Tu m’as ceint de force pour le combat, tu fais ployer sous moi mes agresseurs;
41. mes ennemis, tu me fais voir leur dos, ceux qui me haïssent, je les extermine.
42. Ils crient, et pas de sauveur, vers Yahvé, mais pas de réponse;
43. je les broie comme poussière au vent, je les foule comme la boue des ruelles.
44. Tu me délivres des querelles de mon peuple, tu me mets à la tête des nations;
le peuple que j’ignorais m’est asservi,
45. les fils d’étrangers me font leur cour, ils sont tout oreille et m’obéissent;
46. les fils d’étrangers faiblissent, ils quittent en tremblant leurs réduits. ”

Épilogue (v. 47 à 50) La dernière partie donne la conclusion hymnique du poème cultuel.
Le v. 47b fait inclusion avec la finale (51 a) sur le thème de la délivrance. En conséquence de la « délivrance d’ennemis furieux », le psalmiste désigne la revanche de Dieu accordée et entonne une bénédiction de Dieu libérateur (v. 48 et 2S 4,8). Ayant au début annoncé sa libération à son entourage, le psalmiste déclare louer Dieu son « rocher » jusque « chez les païens » avant de terminer par une formule lapidaire. (cf. de même au Ps 22,23-24).
47. “Vive Yahvé, et béni soit mon rocher, exalté, le Dieu de mon salut,
48. le Dieu qui me donne les vengeances et prosterne les peuples sous moi!
49. Me délivrant d’ennemis furieux, tu m’exaltes par-dessus mes agresseurs,
tu me libères de l’homme de violence.
50. Aussi je te louerai, Yahvé, chez les païens, et je veux jouer pour ton nom:”

La finale du Psaume 18 (v.51)

Le portrait du psalmiste est celui de l’idéal royal. Il achève sa prière en forme liturgique. Elle est analogue à la finale du cantique d’Anne où Dieu « donne la force à son Roi » et « exalte la vigueur de son Oint » (1S 2,10).

51. “Il multiplie pour son roi les délivrances et montre de l’amour pour son oint, pour David et sa descendance à jamais.”

Retrouvant l’élément narratif du titre du début, v. 51c élargit à la descendance de David, chantant ouvertement que Dieu sauve un peuple humilié. Ce thème messianique apparaît dans plusieurs psaumes (Ps 2,6 ; 89,19 ; 132,10.17 et 45,7) et appuie l’entente sinon l’alliance durable de Dieu envers la maison, la descendance de David, même après la fin de la monarchie, où le messianisme passera à la filiation d’Aaron, c’est-à-dire du grand-prêtre au temple de Jérusalem.

Relectures

Le Psaume 144 propose une relecture de notre psaume 18. Dans la méditation des actes de salut, le Ps 18 est repris comme « Psaume de David » en 2S 22,2-51. Par la correspondance avec Dt 32, il est intéressant de souligner l’identité entre Moïse et David, non seulement sauvés des eaux, mais encore priants avant de mourir. Il est le modèle de l’humble (Nb 12,3).

Les manuscrits trouvés dans la 4e grotte du site de Qumrân au désert de Judée proche de la mer Morte donnent par ailleurs une formule équivalente de Ps 18,2.6-7 sur le fragment 24.7-10 de 4Q 381 : « Ton nom est ma délivrance, mon Rocher, ma Citadelle. »

Dans le même mouvement de prière inspirée que notre psaume 18, le cantique d’Anne (1S 2,1-10) est un psaume de l’époque monarchique qui a bien pu inspirer (cf. v.1) le cantique de Zacharie, appelé « Benedictus ». Car l’action de grâces à la vue de son fils Jean résonne de « la puissance de salut que Dieu a suscité dans la maison de David son serviteur » (Lc 1,69). Comme dans notre psaume, l’Évangile selon saint Luc dit une délivrance, une « corne de salut », la force du Ps 18,3.
Dans son épître aux Romains (Rm 15,9), saint Paul a vu dans la louange finale du psaume 18 la louange des païens convertis et autant de témoignages vivants de la miséricorde de Dieu que le Christ a glorifié en accueillant les païens. L’Apôtre identifie l’expression « mon rocher » (v.3, 32 et 47) du psaume au « rocher spirituel » qui suivait « nos pères » les hébreux en exode « et ce rocher c’était le Christ. » (cf. 1Co 10,1-4).

Saint Augustin a également repris ce psaume : il a vu en David la figure du Christ et de son Église qui loue Dieu pour la délivrance obtenue par Jésus dans la victoire sur la mort. Le Dieu vivant ne meurt pas, mais il conserve la vie de ses fidèles et les sauve.

Dans la liturgie

Le Ps 18 (17) est chanté chaque mois à l’office des lectures du mercredi et du jeudi de la première semaine, où il est proposé en 6 sections. Les versets le plus souvent repris sont ceux du début et de la fin du psaume (2-7.20.31-33.47 et 51) le 31e Dimanche de l’année liturgique A, en temps ordinaire le vendredi de la 4e semaine et samedi de la 18e semaine, ainsi que le vendredi de la 5e semaine de carême.

Ce psaume est donc bienvenu dans le temps de notre préparation à Pâques, en action de grâces pour la force de Jésus-Christ qui descend du Ciel et nous sauve de la mort car Il nous aime. Montrons-lui notre amour en nous gardant contre le péché et alors, délivrés de la violence, nous sauterons avec Lui les murailles pour louer Dieu, notre force et notre salut !

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