L’été achève. La saison du repos et des belles tranquillités fait place maintenant aux agitations de la rentrée. Finis la belle saison, la plage et les voyages! Un été s’en va, qui fut pauvre en événements prometteurs d’un avenir meilleur. Les guerres ont continué leur cours. Nous comptons nos morts en Afghanistan. Les politiciens se taisent sur les vrais enjeux. Les scandales financiers n’ont pas cessé de nous inquiéter. L’été des festivals, de la musique, du théâtre et des chansons nous aura tenu en halène jusqu’au bout. La démesure des activités culturelles ne nous excite plus. Les pauvres, les sans logis, les marginalisés ne voient pas leur sort s’améliorer.
Au moment où je poursuis ma réflexion et rêve d’un nouvel élan pour notre monde, je suis soudainement sollicité pour aider des confrères à trouver réponse au cas extrême qui se présente à nous. Viennent de frapper à notre porte en mi-soirée deux jeunes gens absolument démunis. La fille a 17 ans. Le garçon 18. Ils sont venus comme ça à Québec depuis Moncton, NB. Au moment de repartir vers chez eux, ils n’ont plus un sous dans leurs poches. On nous les a référés avec leur détresse, leurs fatigues, leur extrême lassitude. Nous leur offrons, bien sûr, un bon repas. Puis spontanément nous nous tournons avec eux vers un lieu possible d’hébergement, vers une auberge qui puisse les accueillir. On les refuse partout parce qu’ils sont mineurs, parce qu’il est trop tard, parce que les espaces sont déjà remplis. Que pouvons-nous faire d’autre? Nous ne pouvons les héberger chez nous, ce n’est vraiment pas dans nos moyens. Les billets pour leur retour là-bas nous coûteraient plus de 300 $. Nous hésitons à engager nous-mêmes autant d’argent pour des gens que nous ne connaissons pas. Nous sommes donc réduits à leur donner un peu d’argent de poche. Puis nous leur passons des couvertures et nous les laissons partir pour aller dormir sur les bancs de la gare, en attente de demain où ils espèrent recevoir de leurs parents de quoi payer les frais de leur retour à la maison.
Revenu dans ma chambre, je suis triste à cause du malheur de ces jeunes et de mon impuissance à les aider davantage. Nous les avons laissés pratiquement dans le chemin. Que fallait-il faire de plus pour eux ? Jusqu’où allait notre responsabilité dans cette situation extrême ? Ma réflexion achoppe sur cette réalité bien concrète. Voici deux êtres humains, en chair et en os, que nous n’avons pas pu aider jusqu’au bout, les laissant « à risque » dans une gare pendant toute cette nuit. Bien confortablement installé dans mon couvent, je suis conscient d’être dépassé, démuni devant de telles situations.
Dehors le vent a tourné cette nuit, faisant fuir l’été, balayant mes rêves et mes illusions, bousculant ma sérénité. Non, je ne serai plus jamais tranquille. À cause de ces jeunes itinérants d’un soir qui m’ont précipité dans la froide saison d’automne. N’ont-ils pas été eux-mêmes cette nuit en première ligne pour affronter la vie difficile et cruelle des pauvres? Avec eux et pour eux je voudrais travailler à l’avènement d’un temps meilleur, où la reprise économique se bâtirait sur des partages justes et équitables, où la sagesse et le courage politiques irait de l’avant avec des projets qui changent vraiment le monde, où un nouveau contexte social aiderait mieux les jeunes en panne et désarroi, une saison où nous passerions vraiment tous ensemble de la parole aux actes.