Je vis dans le milieu cosmopolite de Montréal, à deux pas de l’Université. Dans le quartier Notre-Dame-des-Neiges, juste à côté, il se parle 110 langues différentes. Je n’ai pas de chiffres en ce qui concerne le campus universitaire. Mais je ne serais pas surpris d’arriver à peu près au même résultat. Comme je ne serais pas surpris de trouver à l’Université l’étudiant ou le professeur qui parle le plus de langues sur l’Île de Montréal et peut-être même sur l’ensemble du Québec. Fluentle ou non!
Il serait intéressant de faire un sondage à propos des croyances. Si nous demandions à chaque résident de mon quartier d’écrire sa profession de foi, les particularités seraient sans doute plus nombreuses que les langues. À l’intérieur de l’Église, même si les chrétiens se réclament tous de Jésus Christ, il existe des différences de l’un à l’autre.
Ce n’est pas une mauvaise chose. Au contraire. Cela montre la diversité de nos cheminements personnels, de nos personnalités, de nos histoires individuelles intégrées dans la grande histoire de l’humanité.
Diversité de nos cheminements, richesses aussi. La quête de l’absolu, la recherche du sens de la vie est un vaste chantier parsemé de mystères. Aucun d’entre nous ne peut dire que son expérience personnelle embrasse tout l’absolu et pénètre totalement dans le mystère de Dieu. Chacun fait donc son bout de chemin, le plus honnêtement possible. Il peut même en aider d’autres à assumer leur expérience spirituelle personnelle.
Faut-il dire pour autant que toutes les religions se valent, que toutes les expériences spirituelles conduisent automatiquement à Dieu, et au Dieu de Jésus Christ? Je ne crois pas. Dans ma foi chrétienne, je ne peux pas dire cela. Pour moi, pour nous, Dieu est unique. Il a son mystère, sa «personnalité» propre. Il n’est pas un tout suffisamment vague au point que l’on puisse dire n’importe quoi à son propos.
Bien davantage, Dieu, parce qu’il est Personne, parce qu’il est Quelqu’un, ne peut être connu que s’il se révèle lui-même. Et je crois qu’il s’est révélé en Jésus de Nazareth au bout d’un long parcours tracé par lui à travers les siècles et vécu par un peuple particulier au cours de son histoire.
Jésus a dit: «Personne ne va vers le Père sans passer par moi. Je suis le chemin, la vérité et la vie.» (Jean 14, 6) C’est dire le rôle unique que joue Jésus dans la recherche de Dieu. En se présentant ainsi, Jésus a placé la vérité entre le chemin et la vie. D’une part, le chemin qui dit: voyager, se déplacer, aller ailleurs. D’autre part, la vie qui dit: être en mouvement, bouger, changer, grandir. Deux images qui s’opposent à tout ce qui est fixe, immobile, sûr. Entre les deux, la vérité. Comme si Jésus nous disait que cette vérité ne peut pas être figée. Au contraire, elle doit demeurer une recherche, une quête. Personne ne peut se déclarer propriétaires de la vérité, ni gardiens, ni définiteurs autorisés. La vérité se tient constamment devant nous et nous entraîne à sa recherche. Chaque fois que nous croyons la posséder, elle nous échappe et nous projette ailleurs.
C’est vivre sa foi en Jésus Christ que de vivre une foi qui doute, qui se questionne, qui cherche, qui explore… Une foi qui admet aussi que Dieu peut dire quelque chose de son mystère et se communiquer aux disciples de Jésus Christ à travers l’expérience spirituelle d’autres personnes qui ne partagent pas la foi chrétienne.
Saint Augustin disait: «Beaucoup de ceux qui semblent être en dehors sont dedans; beaucoup de ceux qui paraissent être dedans sont en dehors.» Parce qu’elle est vivante, la vérité suppose que nous demeurions en recherche, refusant de nous croire parvenus à la maison alors que notre véritable maison c’est la route. Nous sommes faits pour vivre debout et non assis, en marche et non immobiles.