Les juifs ont l’habitude de commencer leurs repas, surtout les jours de fête, par un rite bien particulier. Le chef de famille prend un pain sur la table. Il le rompt en petites bouchées qu’il distribue à chaque convive.
On veut donner à ce rite deux significations. D’une part, on reconnaît que ce pain symbolise les dons généreux que la nature accorde aux êtres humains pour qu’ils vivent et qu’ils vivent en bonne santé. D’autre part, le partage d’un unique pain entre les divers convives évoque la quête de communion que l’on veut réaliser autour de la table, de la convivialité dont on veut se nourrir en même temps qu’on consomme les aliments.
Lors de son repas d’adieu la veille de sa mort, Jésus accomplit ce rite traditionnel. Et il lui ajoute une signification nouvelle: « Prenez et mangez: ceci est mon corps.» Cette nourriture, produit de la nature et fruit de la terre est consacrée. Elle devient le corps du Christ, toute sa personne physique, sa personne en relation avec les autres, le Christ dans toute son histoire.
Le Christ choisit le pain pour assurer sa présence dans le monde. Toute la terre reçoit ainsi une dignité insoupçonnée. La présence du Christ dans le pain commande le respect et la protection de toute la nature. Elle exige une saine gestion de l’environnement. Ces exigences étaient déjà là de par les lois de la nature elle-même. La consécration du pain par le Christ leur donne une importance absolue.
Le pain, fruit de la terre est aussi le produit du travail des humains. Ce que le Christ consacre en son corps a été transformé par le labeur du boulanger. Il symbolise du même coup les travaux de tous les humains (travaux manuels, travaux intellectuels, travaux spirituels). Elle symbolise l’ouvrage des humains qui porte à sa maturité la nature qui leur est confiée. En consacrant le blé devenu du pain par la main des humains, Jésus nous rappelle la dignité du travail et la nécessité en toute justice d’offrir des conditions de travail qui respectent les lois de la nature en même temps qu’elles respectent la dignité humaine.
Lorsque nous proclamons le corps du Christ présent dans le pain, nous posons un geste d’une grande portée non seulement théologique mais aussi écologique. En même temps, nous réclamons la justice pour tout travailleur.
L’eucharistie fait mémoire du Christ dans sa mort et sa résurrection. Elle nous prie de traduire cette mémoire dans nos engagements pour une terre en bonne santé et pour des conditions de travail qui ennoblissent les travailleurs dans toutes les sphères de la société.
Si spirituelle que soit la liturgie eucharistique, elle n’en demeure pas moins un acte éminemment social et une contribution significative au présent et à l’avenir du monde. L’alliance que Dieu veut vivre avec nous est également une alliance entre le ciel et la terre, entre le créateur et sa création.