L’heure normale
Pour leur apprendre au jour le jour l’heure normale et naturelle qu’il est présentement, nos ancêtres ont, bien entendu, le soleil, la lune, la marée, le train, la poste et quelques habitudes locales, sans oublier l’horloge grand-père qui trône peut-être à la maison. En plus, toutes sortes de petits trucs familiers: par exemple la minute correspond au temps d’un Pater lentement récité, la demi-heure correspond au temps d’une pipée, le quart d’heure au temps d’un chapelet normal, la nuit en principe dure trois chandelles.
Leurs heures privilégiées sont minuit à Noël, trois heures le Vendredi Saint, l’heure de l’Angelus matin, midi et soir, l’heure des messes annoncées le dimanche, l’heure du chapelet en famille. D’autres heures encore les attirent: l’Heure d’adoration, les Heures de garde au Sacré-Coeur, au Saint-Sacrement orchestrées parfois par l’Archiconfrérie de l’Adoration perpétuelle, voire par l’Horloge Eucharistique. Celle-ci permet, en effet, de savoir exactement l’heure des messes dans différentes parties du monde. À l’arrière-plan de ces choix vivement encouragés par le clergé, retentit l’avertissement solennel du Christ: «Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi?» (Matthieu 26, 40) Et n’oublions pas les veillées funéraires avec leur chapelet à chaque heure.
Il fut un temps – pas si lointain – où le culte des heures sacrées était enrichi d’indulgences, elles-mêmes comptabilisées à l’heure, destinées aux âmes du Purgatoire, aux agonisants, à la Propagation de la foi, au règne du Coeur de Jésus et à d’autres encore!
«À l’heure de notre mort»
Nos grands-pères et grands-mères dans la foi catholique, croyants fermes en l’éternité et au «Beau Ciel – Éternelle Patrie», furent probablement moins obsédés que nous le sommes à mesurer leur temps réel, quotidien, immédiat. Davantage habitués à obéir au temps cosmique et à le diviser en passé, présent et avenir, ces mêmes «Anciens Canadiens» pensaient le temps plutôt linéairement, en termes de salut et de fins dernières. «Sans le salut, pensez-y bien!» Ce cantique fort connu invite à fixer en particulier «l’heure de notre mort», cinquante fois répété chaque soir à l’heure du chapelet.
Derrière ces rites, hier comme aujourd’hui, nous percevons une volonté naturelle de marquer le temps réel, un besoin de le maîtriser sinon de le vaincre en le comptabilisant. Voilà qui n’est pas sans rappeler le vent de panique qui existe maintenant face au temps virtuel et à la vie qui passe. L’impossibilité d’inverser le cours du temps rend chaque heure de plus en plus précieuse.
«Il y a un temps pour tout» dit la Bible. Toujours vrai. C’est ainsi que nous pourrions nous amuser… sérieusement et nous étonner du citadin qui ne semble avoir ni espace ni temps pour lui, qui vit la nuit et dort le jour, qui ne semble lié ni aux astres ni au temps ni à la terre. Mais ce citadin pourrait quand même se retrouver, si justement il prenait le temps d’identifier ces quelques moments forts de la journée à ne pas manquer, par la prière, par un temps de méditation, par le silence. Ces moments forts, les priants d’aujourd’hui, à l’exemple des moines de toujours, les identifieront grâce à la «prière du temps présent».
Tout n’est pas révolu de la manière dont nos pères et nos mères marquaient le temps. Encore aujourd’hui, des clochers, dans les campagnes québécoises et même en ville, sonnent régulièrement l’Angelus. Il arrive même que plusieurs communautés paroissiales urbaines affichent ouvertement les heures des messes… et des confessions. C’est la vie qui continue, que chaque heure sonne à sa manière! Une célébration populaire des heures ne sera jamais en trop.