Karl Barth, pasteur de l’Église réformée suisse et l’un des plus grands théologiens du xxe siècle, achève la trajectoire de sa vie sur terre le 10 décembre 1968.
Karl Barth est né à Bâle en 1886 ; après des études à Berne, à Berlin, à Tübingen et à Marburg, il devint pasteur à Genève, puis à Safenwil, en Argovie. Dès le début, les questions sociales sont pour lui l’objet d’un réel engagement, au point d’adhérer au parti socialiste et de prendre une part active à ses travaux. Mais face à la montée du nazisme, il fut parmi les principaux animateurs de l’Église confessante d’Allemagne. En exil à l’université de Bâle, il s’adonnera, dès 1935 et jusqu’à ses derniers jours, à l’écriture de sa colossale Dogmatique ecclésiale.
Née du souci concret d’annoncer l’Évangile, la théologie de Barth fut, dans le sillage de saint Anselme et de Kierkegaard, une tentative d’expliquer la foi à partir de l’expérience de la foi même. Karl Barth était convaincu, en effet, que l’annonce chrétienne ne vient pas comme une réponse aux angoisses de l’homme, mais qu’elle naît au contraire de l’écoute d’un Dieu qui est le centre irradiant de la théologie : c’est Dieu, en Christ, qui a l’initiative du dialogue avec l’homme. Mais précisément parce qu’elle s’est révélée en Christ, l’initiative de Dieu implique désormais l’homme dans sa vocation et sa totalité : ce sera le thème de ses grandes conférences de 1956 dédiées à «l’humanité de Dieu».
Poussé par ces convictions, Karl Barth continua à prêcher – comme une conséquence de l’écoute obéissante que tout homme doit à Dieu – à la fois le devoir de s’engager pour refaire l’unité entre les Églises du Christ, et en même temps le devoir de lutter en faveur de tout homme victime du péché, de l’injustice ou de la violence.
À sa mort, des chrétiens de toutes les Églises et de tous continents, venus nombreux pour ses obsèques, ont voulu lui témoigner leur reconnaissance pour le témoignage que durant sa vie entière il avait rendu au Seigneur.
Un texte de Karl Barth
N’étions-nous pas sur le point d’oublier que la divinité du Dieu vivant – et c’était bien à celle-là que nous pensions – n’a de signification et de force que dans le contexte de son histoire et de son dialogue avec l’homme et ainsi dans sa relation avec lui ? Oui – et c’est précisément là le point en deçà duquel il est interdit de reculer : il s’agit de la relation de Dieu avec l’homme, relation fondée, décidée, limitée et ordonnée par Dieu lui-même et lui seul, souverainement. C’est ainsi seulement qu’elle se réalise et qu’on peut la connaître. Mais c’est donc bien d’une relation qu’il s’agit entre Dieu et l’homme. Dieu ne révèle pas ce qu’il est, sa divinité par conséquent, dans le vide d’une existence qui se suffit à elle-même ; il devient au contraire le partenaire de l’homme (un partenaire supérieur, bien entendu) et c’est dans ce rapport qu’il existe, parle et agit. Celui qui se comporte de cette façon est le Dieu vivant. La liberté dans laquelle il agit est sa divinité. Elle est cette divinité qui, comme telle, a aussi le caractère d’une humanité. C’est sous cette forme seulement que la divinité de Dieu doit être décrite par rapport à cette théologie du passé, c’est-à-dire sous une forme positive et sans que l’on rejette, par conséquent, la part de vérité qu’il est impossible de lui dénier, même quand on a percé à jour toutes ses faiblesses. Bien comprise, la divinité de Dieu inclut donc son humanité.
Karl Barth, L’humanité de Dieu.