La vie est remplie de surprises et de bouleversements qui font qu’on se retrouve souvent dans des situations meilleures ou pires qu’initialement. Deux films récents en sont de brillantes illustrations. Le talentueux cinéaste Emmanuel Mouret présente le stratagème astucieux d’une aristocrate qui se venge de l’inconduite conjugale de son amant dans le film en costumes MADEMOISELLE DE JONCQUIÈRES. Pour sa part, le réalisateur Gilles Lellouche raconte habilement dans la comédie dramatique LE GRAND BAIN la volte-face qui survient chez des hommes d’âge mûr adeptes de la nage synchronisée (!).
MADEMOISELLE DE JONQUIÈRES
À qui en doutait encore, MADEMOISELLE DE JONCQUIÈRES confirme la parenté immédiate du cinéma d’Emmanuel Mouret avec celui du regretté Éric Rohmer. La magie des dialogues, le goût exquis pour les marivaudages, la conquête amoureuse comme obsession, tout cela forçait déjà la comparaison dans les films antérieurs du réalisateur et scénariste (L’ART D’AIMER, CAPRICE).
Le marquis des Arcis (Édouard Baer, impeccable) est un homme volage. Sa réputation de séducteur le précède, partout où il passe. C’est pourquoi Madame de la Pommeraye, jeune veuve retirée du monde, lui résiste avec tant d’ardeur. Tout en ne pouvant s’empêcher de lui faire la cour et de lui promettre fidélité et amour éternel.
Six mois de ce régime finissent par avoir raison de ses prétentions. Quelques années de félicité conjugale passent avant que le marquis ne montre des premiers signes de désengagement. Afin de tester son amour, Madame lui annonce que le sien est sur son déclin. L’aveu libère l’époux, qui reconnaît éprouver la même panne amoureuse.
Feignant le soulagement, la marquise au cœur brisé décide de le compromettre. Instrument de sa vengeance : une jeune et magnifique prostituée (Alice Isaaz, vibrante), qu’elle fait passer pour une pieuse et noble déshéritée avant de la pousser dans les bras du marquis.
Rappelant VALMONT de Milos Forman, le cinéaste Mouret s’emploie avec beaucoup d’ardeur à composer des tableaux bucoliques, qu’il anime au moyen de cette souriante et perfide histoire de vengeance amoureuse. Certaines de ces compositions sont rendues stupéfiantes par la magie des mots, le plaisir des acteurs en un emploi mesuré de musique baroque. À tous égards cependant, la performance nuancée de Cécile de France (Madame de la Pommeraye) force l’admiration.
LE GRAND BAIN
Avec ses dialogues désopilants, ses portraits attachants et son optimisme naïf, ce premier long métrage en solo de l’acteur Gilles Lellouche fait flèche de tout bois. La réussite se mesure également au regard humaniste posé par le cinéaste sur la crise de la cinquantaine et les ratés d’un système socioéconomique où les marginaux n’ont pas leur place.
Après une énième prolongation de son arrêt de travail pour cause de dépression, Bertrand (Mathieu Amalric, émouvant) s’inscrit à un cours de nage synchronisée. La discipline physique redonnera un sens à son existence, pense-t-il.
À la piscine municipale, ses partenaires sont, comme lui, des mâles au mitan de l’âge, marqués par diverses infortunes personnelles ou professionnelles. Delphine (Virginie Efira, juste), leur professeure, est une ex-gloire des bassins qui a sombré dans l’alcool.
Après quelques semaines de clapotis, le groupe se met au défi de représenter la France aux Championnats du monde masculin, qui se tiendra en Norvège. Les entraînements, jusque-là très ordinaires, changent de rythme lorsque la paralytique Amanda, ex-coéquipière de Delphine, prend la relève après que cette dernière eut abandonné la partie.
Soignée, la réalisation se distingue lors des efficaces chorégraphies aquatiques, rehaussées par une trame sonore enlevante. Hauts en couleur, les protagonistes sont campés par des grands noms du cinéma français, souvent à contre-emploi. C’est le cas de Philippe Katerine (UN BEAU SOLEIL INTÉRIEUR), en adulescent compensant sa timidité dans les sucreries et de Leila Bekhti (UNE VIE MEILLEURE), en professeure vulgaire et revancharde.
Gilles Leblanc