Le Carême sonne chaque année chez les chrétiens l’appel à l’intériorité, au secret, à l’intime relation plus personnelle que jamais avec le Père. C’est bien là l’argument principal de l’évangile qui nous est lu lors de l’entrée en carême, le Mercredi des cendres : « Ton Père voit ce que tu fais en secret…Garde dans le secret ton aumône, ta prière, ton jeûne. Ferme la porte, prie ton Père qui est présent dans le secret. » (Matthieu 6, 1-18)
Aujourd’hui, dans nos sociétés, le courant dominant va dans le sens du superficiel, de la parade, du bruit. La force d’entraînement de la mode et de nos habitudes sociales nous emportent aux pays de la dispersion, de l’exhibition et de l’insignifiance. Il nous est parfois difficile d’échapper à cet affolement général.
Nous voyons chez plusieurs, et en nous-mêmes, les effets dévastateurs de ce voyeurisme collectif : déboussollement, perte de sens, ennui, lassitude. On nous parle presque quotidiennement de cas d’ébranlement psychologique, de dépression, de crises aiguës d’instabilité et d’angoisse, de suicides.
Le carême est là pour favoriser chez nous une saine remontée de conscience. Pour que d’abord nous assumions notre vie. Pour que nous en prenions personnellement la direction et la responsabilité. S’il nous faut pour cela prendre une voie de solitude et de renoncement, nous ne sommes pas pour autant seuls dans le désert, seuls dans cette aventure spirituelle. N’allons donc pas nous ranger du côté de ceux qui sont angoissés, anxieux, atterrés par la peur. Sachons qu’en cet effort et ce lieu de redressement personnel nous serons éprouvés par la séduction des mirages, par les désirs de retour en arrière et par diverses tentations d’isolement et d’égoïsme. À nous, avec la grâce de Dieu, de nous montrer les plus forts. « Sois fort, sois fidèle, Israël ! », chantons-nous dans un bel hymne du temps du Carême.
À l’intime de nos cœurs, nous sommes convoqués pour la confiance envers nous-mêmes et envers Celui qui nous a remis à nous-mêmes pour un dialogue de foi, d’espérance et d’amour avec lui. Lui qui nous offre le don le plus merveilleux, celui de notre retour, de notre conversion, de notre résurrection en son Fils, le premier né d’entre les morts.
Le Père, en ce cœur à cœur avec nous, nous éveille chacun merveilleusement à l’immense famille de tous ses enfants. Loin de nous isoler et de nous garder pour lui seul, il nous prépare au don de nous-mêmes dans l’assemblée de nos frères et sœurs. Et tous ensemble, en son Fils, nous sommes introduits par l’Esprit dans une parfaite eucharistie à la louange de gloire de sa grâce.