Résilience ! Un mot bien étrange utilisé pour mesurer la résistance des matériaux face aux aléas de la température ambiante. Cette expression a fini par symboliser les forces ou les énergies enfouies dans nos profondeurs psychiques qui luttent contre la déprime ou l’épreuve qui menacent de nous envahir et de nous submerger. Dans la crise qui frappe et traverse actuellement notre pauvre Eglise, je vois la résilience à l’oeuvre. Non pas dans les rangs du clergé discrédité, mais parmi ceux et celles que les clercs avaient coutume d’appeler « simples laïcs », avec une nuance de mépris et de suffisance. La plupart de ces « simples fidèles » ne claironnent pas leurs bonnes oeuvres aux carrefours des routes comme affectaient de le faire les pharisiens de jadis. On les découvre un peu par hasard, même après les avoir côtoyés longtemps, sans les avoir perçus et connus pour autant..
C’est ainsi qu’un média vient de me révéler Vicky, une paroissienne repérée depuis des années, mais sans que je l’eusse connue en vérité. Eile s’emploie aujourd’hui encore, du haut de ses 85 ans, à porter secours aux déshérités de la terre natale qu’elle a dû fuir à l’âge de 14 ans. Sa résilience m’émeut et m’émerveille.
Née à Bucarest, Vicky passa ses premières années dans l’opulence, à Berlin où son père diplomate représentait son pays. En 1947, le régime communiste imposant sa loi en Roumanie, le père fut déchu de son poste et de sa nationalité. Sa famille, dont une mère tuberculeuse, devenue apatride et sans revenus, trouva refuge en Suisse. Encore heureuse de se savoir en vie et non de croupir ou disparaître dans quelque geôle sinistre des Carpates. Détail touchant, Vicky parle de sa scolarité dans une école suisse qui imposait l’uniforme à ses élèves. Une mesure qui l’enchantait car elle gommait sa pauvre singularité et facilitait son intégration. Il fallut tout de même qu’elle obtienne à 22 ans un diplôme d’infirmière pour que lui fut octroyé un passeport rouge à croix blanche. Trois ans plus tard, c’était la consécration : Vicky devenait hôtesse de l’air dans la compagnie Swissair, un honneur qui, dit-elle, « flattait son ego », rétablissait sa dignité, tout en lui faisant oublier ses frustrations et humiliations. Suivit sa retraite professionnelle qu’elle mit à profit en décrochant une licence en lettres. Depuis 90, nouvelle activité fébrile qui la mobilise, elle et ses connaissances. Chaque mois Vicky confectionne et envoie aux enfants de Moldavie roumaine une trentaine de colis contenant matelas, lunettes et autres chaussures, collectés par ses soins et entreposés dans le garage d’un de ses vieux amis. Consciente d’appartenir à la dernière génération roumaine rescapée du communisme, elle veut encore brûler de tous ses feux pour les enfants pauvres de son pays.
Vicky n’est qu’une étoile – anonyme – qui scintille dans une constellation de résilients et résilientes. Ce firmament est en fait le soc sur lequel est construite notre Eglise. A nos regards désabusés, il fait rêver d’espérance.
Guy Musy
quand est-il aujourd’hui,
le migrant qui a faim, qui fuit la guerre, beaucoup de pays le refoule, il est victime de la
peur collective. Ce témoignage de Vicky est puissant, j’ose
espérer que d’autres pourront
s’en sortir comme elle.