«Un prince possédait un diamant magnifique, dont il était fier à l’extrême. Un jour, par accident, la pierre précieuse fut profondément rayée. Le prince convoqua les spécialistes les plus habiles pour remettre en état le joyau mais, malgré tous leurs efforts, ils ne purent effacer la rayure. Enfin arriva un lapidaire d’un génie encore inégalé. Avec art et patience il tailla dans le diamant une rose magnifique et fut assez adroit pour faire de l’égratignure la tige même de la rose… de telle sorte que la pierre précieuse apparût plus belle encore qu’auparavant.» (B. Bro, Faut-il encore pratiquer?)
Voilà un conte que nous pourrions lire de temps à autre. Particulièrement les jours où nos erreurs nous pèsent beaucoup. Il faudrait le lire plusieurs fois quand la culpabilité nous étouffe, quand elle fait naître une angoisse paralysante.
Il n’existe pas de vie sans qu’un jour ou l’autre le mal fasse son apparition. Parfois, il prend la forme d’une erreur: je me suis trompé, j’ai mal évalué une situation, j’ai donné une mauvaise réponse. J’ai honte.
Le mal peut aussi venir de l’extérieur: j’attrape une maladie, quelqu’un me blesse, un événement me chagrine ou me bouleverse profondément. Je me sens diminué dans ma dignité.
Il m’arrive aussi de faire mal, et de faire exprès. Pour une raison ou une autre, j’attaque. Je déverse mon ressentiment sur le dos d’un autre. J’écrase. Je diminue. J’impose ma pseudo-puissance.
Le mal emprunte donc les habits les plus divers. Il joue plusieurs rôles au théâtre du quotidien.
Quand nous prenons conscience de l’impact du mal, nous sommes embarrassés. Nous cherchons le coupable ou du moins le responsable. Quand nous en sommes l’auteur, notre geste nous humilie. Le conte du diamant égratigné nous dit: ne restez pas paralysés par vos erreurs ou vos bêtises. Vous ne pouvez pas faire en sorte que ce qui est arrivé ne soit pas arrivé. Vous ne pouvez pas dérouler le film de votre vie pour en couper les séquences qui vous déplaisent. Vaut mieux regarder les choses en face, accepter la réalité.
Mais surtout, il importe de dépasser le mal. Aller au-delà. Sculpter une rose au bout de l’égratignure qui devient alors la tige de la fleur. L’erreur ou la bêtise est une tache dans le tableau de ma vie. Je peux la traîner comme un boulet. Pourquoi ne m’en servirais-je pas comme d’un tremplin pour aller plus haut, plus loin.
C’est plein d’exemples autour de nous de gens qui ont su profiter – si on peut dire – du mal qui a surgi dans leur vie. Des malades ont développé une grande sagesse dans leur combat contre la maladie. Des criminels, en prenant conscience de la gravité de leur acte, sont devenus humains et respectueux des autres. Des gens à qui on a beaucoup pardonné se sont transformés en artisans de paix. Des dépassements!