Une fête à ne pas manquer
Jésus disait en paraboles : « Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs pour appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : ‘Voilà : mon repas est prêt, mes boeufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez au repas de noce.’ Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et brûla leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : ‘Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce.’ Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils rencontrèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives.
Le roi entra pour voir les convives. Il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce, et lui dit : ‘Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?’ L’autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : ‘Jetez-le, pieds et poings liés, dehors dans les ténèbres ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents.’
Certes, la multitude des hommes est appelée, mais les élus sont peu nombreux. »
Commentaire :
L’évangile de ce dimanche nous présente deux paraboles, que Matthieu met à la suite l’une de l’autre, car les deux parlent d’une invitation à une fête. Mais chacune a sa propre dynamique et son enseignement. Elles ont un point commun : la fête des noces! Dans la symbolique des Écritures, cette fête évoque celle de la fin des temps, quand le Seigneur nous rassemblera pour fêter l’alliance accomplie, avec lui et les uns avec les autres. Qu’est-ce qui peut mieux suggérer cette joie et cette communion qu’un banquet de noces!
Mais les choses ne sont jamais aussi simples que prévues. Vous organisez votre party, vous envoyez les invitations, vous êtes excités et heureux, anticipant ce grand moment de réjouissance. Mais voici un imprévu : les invités, les appelés, qui sont convoqués avec insistance, deux fois, ne viennent pas! Ce sont vos proches, votre famille, vous les attendiez avec confiance, vous comptiez sur eux. Mais ils ont d’autres préoccupations; ils sont pris, prisonniers, dans leur petit monde, leurs soucis immédiats, leurs affaires à gérer, champs et commerce, leurs intérêts à assurer. Ils n’ont pas de temps à perdre dans une fête. En plus, certains sont tellement enfermés dans leur monde clos qu’ils réagissent violemment à l’invitation et font mal à vos amis, chargés simplement de leur transmettre l’appel.
Que faire? Renoncer à la fête des noces? Heureusement qu’il y a d’autres gens dans le monde. Alors, vous lancez une invitation ouverte, à toute personne, aimable ou non, correcte ou non. Car il vaut la peine de fêter et cela ne se vit pas seul. Et ces gens imprévus, de toutes sortes d’horizons, finalement viennent. Alors la fête peut avoir lieu.
Dans cette histoire, les auditeurs de Jésus peuvent reconnaître des expériences qu’ils ont vécues. Et aussi, ils peuvent relire les Écritures, qui racontent la même aventure. Dieu a envoyé ses prophètes, qui appelaient à se tourner vers lui, à entrer dans le bonheur du Royaume, de sa convivialité. Mais les prophètes n’ont pas été entendus. Et même on a éliminé leurs voix, trop dérangeantes, ouvrant des horizons neufs, invitant à laisser des petits tracas pour s’ouvrir au mystère d’un don, offert gratuitement.
Cette histoire est aussi celle de Jésus et des premiers chrétiens. Il y a des gens en Judée et Galilée qui ont accueilli l’annonce de la Bonne nouvelle, mais finalement, plusieurs ont fermé leurs cœurs. Et voici que l’invitation sera lancée par Pierre, Paul et d’autres, à des gens qu’on ne pensait pas capables de s’intéresser au Royaume : des Grecs, des Égyptiens, des Syriens, qui accueillent favorablement l’appel. Et voilà qu’au banquet de noces, celui de l’assemblée, se retrouvent des gens de partout. Le premier refus a ouvert la voie à une universalité de l’assemblée. C’est, aujourd’hui encore plus, la réalité de la vie de l’Église, maintenant vraiment catholique, formée de visages de toute nation et condition, bons et mauvais, mêlés ensemble dans la quête du salut.
Cette première parabole se suffit en elle-même. Mais Matthieu y joint une autre, qui parle d’une autre dimension. Une fois présent au banquet, il ne suffit pas d’être là. La participation à l’assemblée demande un engagement personnel, ce qui est évoqué par le vêtement de noce. En Matthieu, cet engagement est celui de pratiquer la miséricorde, de faire des œuvres de justice, d’avoir souci du petit qui a faim et soif, qui est étranger, prisonnier, malade, d’être artisans de paix. Ce vêtement de noce a les couleurs de la foi, de l’espérance et surtout de la charité.
Ici aussi, cette parabole rappelle les appels des prophètes. Isaïe critiquait un culte qui n’est pas accompagné d’un souci de justice et de compassion. Jérémie dénonçait le gens qui allaient au temple célébrer Dieu puis traitaient les autres avec mépris. Comme si le Dieu vivant était aveugle et stupide et se contentait de paroles extérieures, sans engagement intérieur. Comme si la religion ne servait qu’à offrir une sécurité trompeuse, sans âme, sans attention à la réalité difficile d’autrui et du monde, sans souci d’authenticité.
Ces paraboles sont provocantes, elles peuvent nous choquer. Mais elles veulent avant tout, aujourd’hui comme hier, inviter, appeler fortement, à réagir personnellement, à sortir de son engourdissement spirituel et moral. Et à bouger quelque part en soi, à se déplacer pour accueillir une réalité réjouissante et transformante, celle du Royaume. Et à agir en conséquence.
Les voix des prophètes et de Jésus se font encore entendre. Nous avons peut-être d’autres préoccupations immédiates. Mais ces voix appellent à une fête unique, à un bonheur inespéré. Quel messager, près de moi ou de loin, me relaie cet appel? Et, au fond, n’ai-je pas depuis longtemps le goût d’aller fêter à une noce?