Une descente qui élève
Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Commentaire :
Ce dimanche de la Croix glorieuse nous offre des réflexions provenant de l’entretien de Jésus avec Nicodème dans l’évangile selon Jean. Il y était d’abord question de naître d’en haut, de naître de l’Esprit. La conversation se déplace maintenant vers la question de la foi en Jésus, le Fils.
Juste avant, Jésus avait parlé de croire : « si vous ne croyez pas, … comment croirez-vous.. ». Cet enjeu revient : il s’agit de croire en Jésus, Fils de l’homme, Fils unique de Dieu. Ces titres de Jésus sont forts : il est vraiment l’envoyé de Dieu, il vient du ciel, et en même temps il fait partie de notre humanité, il est proche de nous. Jean ne parle jamais de la « foi ». Il emploie toujours un verbe pour en parler : croire. Cela est riche de sens. Un verbe ne se tient pas tout seul, il demande toujours un sujet : je, nous eux, elles, vous… On ne peut mieux dire que croire est un acte personnel, un réel engagement qui nous prend tout entier, qui ne peut advenir sans des sujets personnels qui font confiance en Jésus, le Fils.
Il y a deux verbes clés dans l’évangile selon Jean : croire et aimer. C’est là l’essentiel. Les deux sont présents ici. Ce croire est lié à la vie éternelle et au salut. Cela dit ainsi que cette vie éternelle, ce salut, est une affaire d’amour. Un amour offert par Dieu et manifesté en Jésus. Plus spécifiquement dans le don de Jésus sur la croix. L’élévation de Jésus en Jean réfère à sa mort en croix : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. Par ces paroles, Jésus indiquait de quelle mort il allait mourir. » (Jn 12,32-34). Il y a aussi une dimension très universelle dans ces réflexions : il est question de tout homme, du monde, qui sont des catégories très englobantes.
Ce texte est rempli de contrastes et de paradoxes : monter/descendre, serpent/vie, descendre/élever, périr-salut, ciel/monde. On trouve souvent cette approche dans les évangiles. Ce n’est pas surprenant, car au cœur de notre expérience croyante se trouve le mystère pascal, où la mort et la vie sont associées. Mais ces contrastes demeurent étonnants, ils veulent susciter notre étonnement, transformer notre regard pour qu’il ose pénétrer plus profondément dans le mystère de Dieu révélé en Jésus, qui brise nos approches spontanées du sacré et de l’accès à Dieu.
L’élévation de Jésus en croix est rapprochée de celle du serpent au désert. Cela peut nous sembler étrange. Quand on pense au serpent, celui qui nous vient à l’esprit est plutôt symbole de la tentation et du mal : c’est le serpent du récit de la création au livre de la Genèse. Ici, une autre dimension est présente, qui fait référence à l’expérience du peuple juif au désert, au moment de l’Exode, du passage de l’esclavage à la liberté. Allusion à la première pâque, avec la figure de Moïse. Dans cette expérience au désert, le serpent y était à la fois signe de mort et donneur de vie, paradoxal comme la croix de Jésus, où le symbole même d’une mort terrible devient source d’une vie nouvelle.
Ce texte en Jean est proche de celui de Paul en Philippiens (2, 5-11) sur Jésus Christ, de condition divine, qui s’est dépouillé, est devenu serviteur et semblable aux hommes et s’est fait obéissant jusqu’à la mort sur une croix: c’est pourquoi, dit Paul, Dieu l’a souverainement élevé… Même mouvement d’une descente qui mêne à une élévation et qui est un don venant de Dieu, qui révèle radicalement l’amour de Dieu pour le monde.
L’élévation de Jésus nous parle du mystère d’un amour premier, créateur et re-créateur, offert dans un signe faible mais source d’une vie qui ne finit pas : la Croix glorieuse. L’évangile de cette fête est court mais très dense. Plusieurs pistes nous y invitent à la contemplation du visage unique et bouleversant de Jésus le Fils, celui en qui croire de façon personnelle, celui qui vient transformer notre saisie du visage de Dieu.
Dieu a tant aimée le monde …. Son Fils vient non pour juger mais pour sauver. Il y a de quoi méditer et nous réjouir.