Une compassion agissante
Jésus disait à la foule ces paraboles : « Le Royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ. Ou encore : Le Royaume des cieux est comparable à un négociant qui recherche des perles fines. Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète la perle.
Le Royaume des cieux est encore comparable à un filet qu’on jette dans la mer, et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges viendront séparer les méchants des justes et les jetteront dans la fournaise : là il y aura des pleurs et des grincements de dents.
Avez-vous compris tout cela ? — Oui », lui répondent-ils. Jésus ajouta : « C’est ainsi que tout scribe devenu disciple du Royaume des cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. »
Commentaire :
Voici trois paraboles qui terminent le chapitre 13 de Matthieu, une section de l’évangile qui regroupe toute une série de paraboles de Jésus, adressées à la foule, portant sur le Royaume des cieux. À la fin, un échange avec les disciples vient conclure l’ensemble. Les paraboles évoquent des réalités accessibles ou familières, qui suscitent l’intérêt de l’auditoire : un trésor dans un champ, un négociant de perles, un filet de pêche. Mais pour faire saisir une réalité plus vaste, qui requiert une ouverture du cœur pour y entrer, celle du Royaume.
Les deux premières paraboles sont proches. Dans les deux cas, il s’agit d’une découverte excitante, qui advient de façon inattendue (le trésor) ou qui vient au bout d’une recherche (la perle fine). Et dans les deux cas, cette découverte suscite une transformation de la vie des personnes, qui prennent des risques, qui vendent tout pour acquérir ce bien extraordinaire.
Ces paraboles remplies de joie et de mouvement nous parlent d’une dynamique religieuse toujours actuelle. À l’origine d’un engagement, d’une vocation, qui peut demander des renoncements exigeants, il y a non pas un devoir à accomplir, une fuite du monde, mais une découverte emballante, bouleversante, celle du mystère du Dieu vivant révélé en Jésus Christ. Ce fut l’expérience de Pierre et de tant d’autres, de Marie de Magdala, de Paul de Tarse, de toute une lignée de disciples depuis Augustin jusqu’à Dorothy Day, en passant par François d’Assise et Madeleine Delbrel.
Pourquoi ces témoins ont-ils changé leur style de vie et fait face aux moqueries ou à l’hostilité, pourquoi ont-ils donné leur vie au service de leurs frères et sœurs? Ces disciples ont osé, avec confiance et audace, entreprendre des projets incertains et un peu fous parce qu’ils et elles avaient découvert un trésor, une perle, qui valait plus que tout et les comblait de bonheur.
Cela nous demeure accessible aujourd’hui. Le champ où le trésor est caché, le lieu où la perle attend discrètement, sont peut-être plus proches que nous le croyons. Des paroles et des visages, des communautés et des relations, des paysages et des œuvres humaines, les portent au plus profond de leur être, comme un secret offert à qui regarde, cherche, à qui est en attente.
La troisième parabole peut nous sembler étrange. Comme la parabole de l’ivraie, elle est suivie d’une interprétation allégorique. Elle utilise une symbolique particulière à la Bible et liée à la mer. La pêche évoque la mission, celle de tirer les poissons hors du lieu du mal et de la mort qu’est la mer. Et comme pour l’ivraie mêlée au blé, le moment de la mission n’est pas celui du tri : le filet recueille un mélange de toutes sortes de poissons. L’interprétation met l’accent, là aussi, sur la finale, celle du jugement, qui ne relève pas de nous.
Après avoir présenté toutes ces paraboles, à la toute fin du chapitre 13, Matthieu conclut avec une autre image, inspirante. Mais d’abord, Jésus interroge ses disciples sur leur compréhension, ce qui rejoint la première parabole de tout le chapitre : la semence qui tombe en plusieurs terrains. La bonne terre, c’est l’homme qui entend la Parole et la comprend et porte fruit. Entre l’écoute et le fruit, il y a la compréhension, l’ouverture de l’esprit et du cœur au mystère annoncé par Jésus. S’ils ont compris, les disciples sont ainsi invités maintenant à porter fruit. Quant au maître de maison, qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien, cela évoque l’évangile même de Matthieu, qui se promène entre l’ancienne et la nouvelle alliance. Ce trésor est maintenant nôtre et nous pouvons devenir ce scribe instruit du Royaume des cieux.