La vie en société n’est pas toujours facile. Deux films récents évoquent des situations de marginalité dans DE L’AUTRE CÔTÉ et de rejet dans BEN X. Bien plus, ce sont des productions qui présentent avec aplomb le bouillonnement de la nouvelle Europe et l’univers du cyberespace.
DE L’AUTRE CÔTÉ
Après le percutant HEAD-ON, Fatih Akin, né en Allemagne de parents turcs, poursuit l’exploration de ses racines métissées, cette fois à travers le film DE L’AUTRE CÔTÉ, un récit tour à tour dur et émouvant, sur les thèmes de la mort et de la réconciliation. En fait, l’auteur aborde de nombreux autres sujets, dont l’intégrisme religieux, la misère sexuelle, la lutte pour les droits individuels, l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, l’importance de l’éducation et l’amour de la littérature, au fil d’un scénario elliptique, allusif, intelligemment structuré, qui réserve autant de coïncidences commodes que de rencontres manquées.
À Brême, un vieil immigré turc tue accidentellement une compatriote prostituée qui, contre rémunération, avait accepté de vivre avec lui. Le fils du criminel, professeur d’allemand à l’université de Hambourg, lui tourne alors le dos et se rend à Turquie dans l’espoir de retrouver la fille de la défunte. Or, il ignore que cette dernière, une étudiante appartenant à un groupe activiste armé, a fui son pays et s’est réfugiée en Allemagne, où elle compte revoir sa mère. À Hambourg, la jeune fille sans le sou est secourue par une étudiante allemande qui l’héberge dans la maison de sa mère. Lorsque la jeune Turque est déportée puis emprisonnée pour activités terroristes, sa bienfaitrice, qui en est tombée amoureuse, part pour Istanbul afin de lui venir en aide. Au grand dam de sa mère, qui pressent un drame.
La mise en scène attentive et soignée d’Akim, et en relief les beautés contrastées de ses deux patries, filmées avec une affection palpable. Dans la foulée, le réalisateur rend un hommage touchant aux cinématographies allemandes et turques en réunissant sur son plateau Hanna Schygulla, égérie de Rainer Werner Fassbinder, et Tuncel Kurtiz, acteur fétiche de Yilmaz Güney. Ceux-ci offrent des interprétations magistrales, parfois bouleversantes, qui ne font cependant pas ombrage à celles de leurs talentueux partenaires moins connus (Baki Davrak, Nurgül Yesilçai et Patrycia Ziolkowska).
BEN X
Gagnant du Grand Prix des Amériques et du Prix œcuménique au Festival des Films du Monde de Montréal en 2007, BEN X embrasse de nombreux thèmes bouleversants: autisme, persécutions, suicide, cyberharcèlement, etc. Avec ce premier long métrage fascinant et bouleversant, le style privilégié par le flamand Nic Balthazar, ex-critique de cinéma, se situe au carrefour du documentaire, du fantastique et du drame social.
Ben, adolescent autiste, subit le harcèlement et les mauvais traitements de ses camarades de classe. Pour échapper à son enfer quotidien, il se réfugie dans l’univers virtuel d’Archlord, un jeu en ligne au carrefour du fantastique et de la chevalerie, dans lequel son alias Ben X triomphe. Il y fait la connaissance de Scarlite, une compagne de jeu qui prétend être son ange gardien. Mais, en marge d’Archlord, la réalité le rattrape et les persécutions se poursuivent, au point ou Ben songe au suicide. Alors que ses parents semblent désemparés, l’espoir renaît sous la forme d’un message de Scarlite, laquelle suggère bientôt à son protégé un plan libérateur.
Abstraction faite d’un dénouement spectaculaire, le cinéaste réussit, à l’aide d’une mise en scène habile, l’exercice périlleux du métissage des mondes réel et virtuel en intégrant des séquences «tournées» littéralement dans le cyberespace, avec des véritables «gamers» à qui il a donné ses directives. Grâce à un travail sonore (bruits amplifiés, musiques hybrides) et visuel (pertinence des gros plans, montage nerveux) très soigné, le film nous fait pénétrer virtuellement dans la tête du protagoniste. Celui-ci est campé avec aplomb par le nouveau venu Greg Timmermans.