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Nous deux,

Responsable de la chronique : Caroline Pinet
Nous deux

Croire au printemps

Imprimer Par Caroline Pinet

 

Ma fille de sept ans, installée devant la fenêtre, a le visage complètement défait. Elle voit la neige tomber. Cette jolie neige qui apporte tant d’euphorie en novembre est totalement indésirable lorsque le calendrier franchit le 21 mars. « Mais on est au printemps! Pourquoi est-ce encore l’hiver? » s’insurge-t-elle.

Au tout début de la saison, le printemps ne ressemble pas encore au printemps. Quand fond toute la neige – même celle tombée impromptue après que les autres averses blanches ont disparu – le paysage n’est pas celui de la renaissance de la vie. L’herbe tassée, écrasée et jaunie semble morte. Rien ne semble annoncer la résurrection de la nature. Les bourgeons sont bien ligotés, repliés sur eux-mêmes. On en regretterait presque la neige. Sauf ma fille! Elle a une foi incroyable en cette saison : « Le printemps est ma saison préférée, clame Béatrice. J’ai hâte qu’il fasse plus chaud! Ce sera chouette de voir les fleurs pousser. Maman, est-ce que je pourrais déjà faire du vélo? Et s’il fait beau dimanche prochain, on pourrait faire un pique-nique?»

La nature met un certain temps à se maquiller d’une saison à l’autre. On a beau savoir le processus, on a parfois du mal à s’imaginer au cœur de ce renouveau quand rien n’en porte les indices. Pourtant le beau temps revient toujours avec sa douceur qui exalte nos cœurs…

J’ai croisé récemment mon amie Hélène. Je suis triste d’apprendre qu’elle va quitter son mari. Elle qui a mis tant d’énergie dans son couple! Elle voit maintenant sa vie conjugale comme un hiver éternel et elle n’attend plus le printemps.

Ne traversons-nous pas aussi tous des périodes de gel qui cachent le paysage de vie de notre mariage? Certaines périodes laissent nos champs dévastés par la froidure, mais aussi par la paresse, par le manque d’effort, par le repli sur soi-même tellement plus facile. Hélène a envie de voyager et de vivre un printemps sous d’autres cieux. Elle n’a plus d’amour pour son mari. Il est gentil, mais son cœur ne connait plus d’émoi avec lui.

Le mariage, quand il est vécu par des personnes en état de s’engager, peut toujours renaître. Mais pour cela, il nous faut de la foi, de l’admiration et la mémoire des jours heureux. Aimer est un acte volontaire, bien qu’il nous tombe dessus au départ sans rien nous demander! Au départ cela ne nous demande pas d’effort. Nous regardons l’autre avec un esprit si ouvert à la découverte. Nous voyons le bon et le beau de l’autre qui nous étonne. Puis, on s’habitue… Pire parfois, on s’enfonce dans l’indifférence et on croit que plus rien ne peut revivre entre-nous. C’est Jésus sur la croix…

Mais Jésus ressuscite le 3e jour. À chaque Pâques nous nous rappelons de sa mort et de sa résurrection. De l’Amour qui a été plus fort que la mort. Nous oublions que dans nos vies l’amour renaît aussi. Pour voir la renaissance de notre couple, il faut souvent changer notre regard et nous efforcer de regarder l’autre autrement. Arrêter de voir ses limites, mais se souvenir de tout ce qui nous a jadis émerveillés. Nous ne nous sommes pas engagés par hasard!

Parfois, mes adolescents à la maison me demandent de leur raconter comment leur père et moi nous sommes rencontrés, et de parler de nos débuts. « Ah! Nous étions totalement fous, je vous préviens!!! » leur dis-je alors. Et je me mets à leur raconter comme nous avons marché toute une nuit à notre première rencontre, à regarder le ciel étoilé dans la ville. Et comme nous n’avions rien au début de notre vie ensemble. Une table à trois pattes qu’on devait appuyer sur le mur pour qu’elle tienne, un vieux canapé récupéré, et pas de lit! « On dormait par terre, car votre père avait peur qu’on tombe dans la société de consommation si on commençait à avoir du confort! » C’est à ce moment que mes enfants sont totalement hilares. Quels curieux spécimens étaient alors leurs parents! Et moi, à chaque fois que je me remémore ces débuts, le printemps remonte en moi! C’est alors que je me dis que je suis tombé sur le bon numéro. Celui avec lequel je ne m’ennuie jamais et avec qui j’ai vécu tant de richesses, malgré la recherche d’une vie si dépouillée. Quand je repense à nos premières années, je retrouve toute l’admiration que j’éprouve encore pour mon époux.

Je sors dehors avec les enfants, et nous nous attelons à la tâche de nettoyer le jardin après le long hiver. On ramasse les vieilles feuilles d’automne qui sont restées captives de la première neige automnale. Ici et là de vieux débris nous encombrent. Nous nettoyons et revoyons les beaux moments de l’été dernier. Le soleil viendra réchauffer la terre et bientôt la nature généreuse nous emballera à nouveau…

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Chronique parue en avril 2012

Nous deux

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