L’Ascension du Seigneur, comme son nom l’indique, c’est un départ. Le Seigneur s’en va. Il ne sera plus visible aux yeux de ses disciples. Bref, c’est le temps de l’absence. On s’attendrait à ce que la Parole de Dieu cette fête ressemble à des conversations de salon funéraire: de la tristesse, du regret, la souffrance de la rupture…
Saint Matthieu nous entretient autrement. Il avait commencé son évangile en écrivant: «Livre des origines de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham» (1, 1). Il reliait le Christ jusqu’aux origines de la foi. Voilà que les tout derniers mots du premier évangile: sonr «jusqu’à la fin du monde» (28, 20). Dans les traductions plus précises, on écrit: «jusqu’à la fin des temps» ou «jusqu’à la fin des âges». Entre la première ligne de l’évangile de saint Matthieu et la dernière ligne, il y a tout le temps, les années, les siècles, les millénaires qui composent l’histoire de la planète. On croyait que l’Ascension était la fête de l’éternité où Jésus se retrouve. Voilà qu’elle se présente comme la célébration du temps, de tout le temps que traverse l’humanité.
Au début de l’évangile de Matthieu, nous nous trouvons à Bethléem, un petit village d’Israël, perdu quelque part sur la planète, avec des habitants qui n’étaient pas allés beaucoup plus loin que Jérusalem. Quelques mages venus d’Orient laissaient supposer qu’il existait d’autres pays et d’autres peuples. Aux dernières lignes de l’évangile, Jésus parle de «toutes les nations de la terre». On croyait que l’Ascension était la fête du ciel où Jésus s’en va. Voilà qu’elle se présente comme la célébration de l’espace, de tout l’espace qu’occupe l’humanité.
Au début de son évangile, Matthieu avait cité le prophète Ésaïe: «Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit: “Dieu avec nous”» (1, 23; cf. Ésaïe 7, 14) Les tout derniers mots de Jésus, à la fin de l’évangile: «Moi, je suis avec vous, tous les jours» (28, 20). Entre ses origines et la fin des temps, Jésus annonce qu’il occupe tous les jours, et qu’il les occupe avec nous.
Dans cette célébration du temps et de l’espace, Jésus est bien présent. L’Ascension n’est pas la fête d’une absence mais bien plutôt la célébration d’une présence. Dans nos rassemblements liturgiques, nous nous saluons souvent en disant: «Le Seigneur soit avec vous. – Et avec votre esprit.» Aujourd’hui, le tout petit mot «avec» prend tout son sens. Le Seigneur est «avec» nous. L’Emmanuel est «avec» nous «tous les jours».
Nous pouvons reconnaître le Christ dans l’action de son corps qui est l’Église. Jésus nous confie sa présence au milieu des nations d’abord en annonçant la bonne nouvelle de sa résurrection d’entre les morts: «De toutes les nations, faites des disciples», dit Jésus. Puis, nous perpétuons la présence du Christ, dans les sacrements donnés «au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit». Enfin, nous continuons la présence du Christ par le témoignage de la vie, en gardant tous les commandements qu’il nous a donnés, en devenant des évangiles vivants.
Au hockey, le joueur qui reçoit la rondelle ne peut pas la garder pour lui-même. Il doit la passer à un coéquipier, sinon l’équipe ne fera pas de point et ne gagnera pas la partie. Il en est ainsi pour l’Évangile, pour la présence du Christ parmi nous. Nous ne pouvons pas garder la Bonne Nouvelle pour nous-mêmes, dans la petite Jérusalem de notre vie intérieure. Pour qu’elle vive en nous, il faut la communiquer à d’autres, au-delà des frontières de notre Galilée. Il faut la laisser traverser l’immense patinoire des nations pour entrer dans le coeur des hommes et des femmes que Dieu met sur notre route.
La fête de l’Ascension rappelle aux disciples que nous sommes que nous avons la mission de poursuivre la présence du Christ dans le monde d’aujourd’hui: annoncer la Bonne Nouvelle, vivre et faire vivre les sacrements, offrir le témoignage d’une vie évangélique.Ainsi le Christ sera avec nous tous les jours, jusqu’à la fin des temps.