Nous sommes rendus à la fin de l’année universitaire. Dans quelques semaines à peine, les enfants des écoles primaires seront en vacances. Même si l’hiver s’est étiré plus que de coutume, nous avons l’impression que l’année a été trop courte.
Fin de l’année scolaire, fin d’un semestre, cela signifie aussi bilan du chemin parcouru. Mais surtout, cela signifie changement d’activités, déplacements vers d’autres horizons. Et par conséquent, ruptures. Petit à petit, les étudiants se quittent pour aller voguer sous d’autres cieux.
Il y a des ruptures faciles. Il y en a aussi des difficiles. Au fil des jours, nous avons tissé des amitiés. Des liens se sont créés. Il faut se séparer. Nous n’aimons pas les séparations. Nous ne sommes pas heureux lorsque nous vivons des ruptures.
Nous sommes faits pour vivre avec d’autres. Nous avons besoin d’être aimés. Nous avons besoin aussi d’aimer. La solitude nous est pesante. Elle n’est agréable que lorsqu’elle nous envoie vers les autres. La seule distance que nous apprécions est celle qui nous permet de nous rapprocher davantage. Le bonheur est dans la communion, dans la gratuité de l’amour.
Jésus a résumé toute sa prédication et toute sa mission dans le grand commandement de l’amour. Il nous demande de nous aimer les uns les autres. Il ne s’agit pas d’abord d’une règle de bonne conduite. Jésus ne donne pas une recette pour éviter de nous embêter mutuellement dans des guerres et des conflits. Le grand commandement de l’amour, c’est le sens même de notre vie. Nous sommes faits les uns pour les autres. Nous trouvons notre joie dans l’ouverture aux autres. Nous réalisons notre vie en nous donnant les uns aux autres.
Cette ouverture aux autres va très loin. Nous sommes même ouverts à la présence de Dieu dans notre vie. «Nous sommes faits pour Dieu, dit saint Augustin, et notre coeur n’aura de repos qu’en lui.» Au moment de son départ, Jésus dit: «Je ne vous laisserez pas orphelins» (Jean 14, 18). Il ne nous laissera pas seuls. Dieu lui-même viendra combler notre solitude. Jésus quitte la terre. Mais l’Esprit Saint viendra nous habiter, partager nos aventures humaines.
Souvent, dans la Bible, des hommes, des femmes, même de jeunes enfants reçoivent une mission qui semble au-dessus de leurs forces et de leurs capacités. Parfois, ils sont portés à refuser la tâche. Ils ont peur. Mais le messager leur répond: «Le Seigneur est avec toi.» Ou: «Le Seigneur sera avec toi.» La liturgie a choisi ces mots tout en confiance pour en faire une salutation. «:Le Seigneur soit avec vous.» Nous nous adressons cette salutation plusieurs fois au cours de l’eucharistie.
«:Le Seigneur soit avec vous.» C’est une autre façon de dire: «Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous… Vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi… Vous êtes en moi et moi en vous…» (Jean 14, 18…20)
La vie nous impose parfois des ruptures, et même de pénibles ruptures. Nous ne dépasserons ces blessures que dans la mesure où nous laisserons l’amour nous envahir. Le Christ nous en donne un vibrant témoignage. Il aurait pu mourir bêtement, se résignant à sa mort qu’il ne pouvait fuir. Il aurait pu mourir en colère, proférant des malédictions contre ses ennemis. Il a choisi plutôt de tuer en lui la haine et de faire de sa mort un don, le don de lui-même. À la haine, il a répondu par l’amour. «Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne.» (Jean 10, 18)
À la suite du Christ, nous sommes invités à nous donner les uns aux autres et à nous donner à Dieu. À nous recevoir aussi des autres et de Dieu lui-même. Comme le Christ. «Celui qui m’aime sera aimé de mon Père; moi aussi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui.» (Jean 14, 21)