Une maison! Rien de moins qu’une maison! Et pas n’importe laquelle: Dieu lui-même! Et pas un vague dieu plus ou moins dessiné dans nos rêves:! Un père, le père de Jésus Christ. Le Christ offre une maison paternelle, une maison ancestrale.
Une demeure pour un bonheur durable, le foyer chaleureux de l’amour, la communion avec la source et le terme de notre voyage intérieur. «Nous sommes faits pour Dieu, disait Augustin, et notre coeur ne pourra se reposer qu’en lui.»
Promesse de Jésus à quelques heures de son départ: «Là où je serai vous y serez aussi.» Mais où vas-tu? Où est-elle la maison du Père? Quel chemin peut nous y conduire? «Je suis le chemin», dit Jésus.
Tu es donc le chemin, toi un homme, rien qu’un homme comme moi, comme mon voisin, comme l’inconnu croisé sur le trottoir, le petit employé ou le patron. Modeste chemin! Et même chemin rocailleux. Le voyage n’a rien des cavalcades des films de science fiction. Il est plutôt terrestre et terreux, au ras des pâquerettes. Chemin d’hommes et de femmes avec son lot d’épreuves et de souffrances, avec ses ruptures et ses blessures. Nous nous attendions à rencontrer un boulevard bien pavé et encadré de fleurs. Nous voilà sur une route étroite, un chemin de croix. Il faudra donc vivre jusqu’au bout l’aventure humaine sans dévier, sans contourner. Le bonheur nous vient dans un long mûrissement de nous-mêmes, avec ses arrachements et ses mutations. Au soleil de Dieu.
Jésus, tu as dit: «Je suis la vérité»! Et tu n’as pas hésité à ajouter: «Qui m’a vu a vu le Père»! Toi l’homme, tu es visage du Père. Nous disons depuis des siècles: «Dieu, le Tout Autre!» Tu réponds: «Dieu, le Tout Proche, le Tout Nôtre, le Tout Pareil!» Avec la désagréable sensation que Dieu soit réduit à naviguer à l’intérieur de nos limites. Pas plus grand que nous. Pas plus fort que nous. Dieu qui se courbe de nos faiblesses humaines. Dieu qui se meurt de nos morts humaines. Dieu le Tout Faible!
Jésus, tu as dit: «Je suis la vie»! Vie de Dieu à portée de vie humaine. Dieu palpable comme la fatigue humaine, comme l’angoisse, comme l’inquiétude, comme la tristesse. Mais aussi Dieu en attente comme une promesse d’avenir, comme une lueur à la barre du jour derrière les montagnes. Dieu des montagnes de la transfiguration. Dieu des malades qui se dressent d’un bond pour reprendre la route. Dieu des pauvres et des enfants. Dieu des miettes sous la table autant que des grosses miches encore toutes chaudes de leur passage dans le four.
Jésus, parmi nous, l’un de nous, chemin, vérité, vie, tu me révèles que Dieu ne se lit que dans des vies d’hommes et de femmes, vies éblouissantes ou vies cachées. Ma vie est une bible: édition luxueuse ou livre de poche, peu importe, c’est toujours Dieu qui trace ses écritures, qui se dit en me disant, qui parle de lui en parlant de moi.
Je prendrai donc la route. Je traverserai la forêt humaine, m’imprégnant de ses odeurs et de ses lumières avec la conviction que j’habite déjà la demeure du Père, la maison paternelle et fraternelle. Le monde entier est une cathédrale et chaque personne que je rencontre le sanctuaire de Dieu.