Mânikkâvacakar est un grand mystique shivaïte, qui a sans doute vécu vers la fin du VIIe siècle. Il fait partie des soixante-trois saints tamouls, les Nâyanmâr, dévots de Shiva, dont les biographies semi-légendaires ont été rassemblées par Cekkilâr dans le Periya-purânam au début du XIIe siècle. Ce recueil fut, et est encore, un livre de piété où l’on cherche des modèles. Il attribue à Mânikkâvacakar une anthologie de cinquante et une odes, le Tiruvâcakam, composées d’une douzaine de strophes. Nous donnons ici deux strophes de la «Dizaine de l’âme consumée». Un trait caractéristique de la reconnaissance dont a joui cette poésie au sein de la communauté shivaïte est que les œuvres des Nâyanmâr sont intégrées dans la liturgie et les cycles des prières des temples du Tamil Nadu.
T’appellerai-je miel sur la branche,
Ou nectar de la mer bruyante?
Je ne sais que dire, ô notre Hara,
Notre baume précieux, notre roi!
Ô toi qui demeures à Perundu Rei,
Parmi les champs de riz limoneux,
Toi dont le corps est revêtu de cendres,
Ô maître immaculé!
Je ne sais qu’une chose : Tu me manques;
Et, ce que je possède, je veux l’ignorer.
Ah! notre Hara, notre précieux
Baume, mon ambroisie!
Celui dont le corps est pareil à une fleur écarlate,
Le Seigneur de Perundu Rei,
Demeure à jamais dans mon cœur,
Lui qui est moi.