Nos relations avec les autres et avec Dieu nous conduisent parfois dans des situations qui nous paraissent sans issue. En proie au désespoir, nous cherchons quelqu’un ou quelque chose à qui nous raccrocher. Le Psaume 31 (32) nous fait entrer dans une expérience semblable.
LE THÈME DU PSAUME ET SA STRUCTURE
La personne mise en scène dans ce psaume manifeste publiquement sa joie d’être délivrée d’une grande souffrance. L’épreuve dont elle est sortie a été pour elle une occasion de s’interroger sur sa propre conduite et de faire une démarche de réconciliation avec Dieu. Dans la première partie du psaume (v. 1-5), le fidèle proclame d’abord le bonheur des personnes délivrées de leurs fautes. Puis il décrit son propre malheur et l’expérience qu’il a faite du pardon de Dieu. Dans la deuxième partie (v. 6-11), il affirme sa certitude que Dieu le conduit sur la bonne voie et il invite les cœurs droits à se réjouir avec lui.
L’EXPÉRIENCE DE SOUFFRANCE
Pour parler de sa souffrance, le psalmiste dit que ses os « se consumaient à rugir tout le jour » (traduction de la Bible de Jérusalem) et que son cœur était comme un champ brûlé par le soleil et la chaleur torride de l’été (v. 3-4). Ces expressions suggèrent un mal d’une forte intensité, une sorte de feu intérieur qui épuise les forces, ne laisse aucun répit et arrache des plaintes d’animal blessé. Rien ne permet de savoir s’il s’agit d’une douleur physique ou d’une souffrance psychologique. Le psaume résiste à tout diagnostic médical précis ; chacun de nous, dans ses moments de souffrance ou d’angoisse, peut s’y reconnaître.
LE SENS DONNÉ À LA SOUFFRANCE
Comme n’importe qui le ferait dans pareille situation, le psalmiste cherche la cause de son mal afin d’en sortir. Dans la mentalité et la culture de son temps, le bonheur comme le malheur viennent de Dieu. Pour employer les mots du psaume, la « main » de Dieu pèse sur lui « le jour et la nuit ». Pourquoi ? Le psalmiste évoque une faute, un tort, un péché qu’il aurait commis et qu’il aurait tenté de dissimuler, espérant peut-être que Dieu ne s’en apercevrait pas. Cette attitude fait penser à la réaction du premier couple humain après sa désobéissance (Genèse 3, 8-10). Le psaume ne donne pas d’autre détail qui permettrait d’identifier la nature des péchés ; il pourrait s’agir des miens ou des vôtres, aussi bien que de ceux du psalmiste. Pour Dieu, la maladie et la souffrance ne sont pas des façons de punir un coupable, même si le psaume dit plus loin : « Pour le méchant, douleurs sans nombre. » (v. 10) Pour qui sait la décoder, la souffrance peut être une invitation à la réconciliation, à faire le point sur sa relation avec Dieu et, en quelque sorte, à la purifier.
RÉACTION DEVANT LA SOUFFRANCE
Ayant ainsi compris son malheur, le psalmiste se décide à « jouer franc jeu » avec Dieu. Plutôt que de s’enfoncer indéfiniment dans la souffrance, il préfère courir le risque de reconnaître ses torts. Il fait alors une autre expérience, celle du pardon libérateur accordé par Dieu. Dieu peut acquitter et tourner la page définitivement. Il tient des comptes mais efface les dettes dans ses rapports avec les humains. Comme le fils perdu et retrouvé de la parabole de Jésus (Luc 15, 11-32), le psalmiste découvre la tendresse et l’affection de Dieu qui sera désormais son refuge au milieu de l’angoisse (v. 6). Dieu lui montre un chemin vers le bonheur (v. 8).
POUR AUJOURD’HUI
Encore aujourd’hui, beaucoup de gens interprètent la maladie ou la souffrance à la manière du psalmiste, comme un avertissement de Dieu ou une punition pour les péchés. Jésus, lui, refusait cette interprétation. Quand on lui demande : « Pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? », il répond sans hésiter : « Ni lui, ni ses parents. » (Jean 9, 2-3)
Le langage du Psaume 31 n’a cependant rien perdu de sa pertinence car il peut rejoindre des situations que nous vivons régulièrement dans nos relations avec Dieu ou avec les êtres qui nous entourent. Il nous arrive parfois de prononcer des paroles ou de poser des gestes qui peuvent faire très mal à l’autre, sans toujours le vouloir. La tentation est forte, alors, de nous enfermer dans le silence et de couper les ponts. Les situations ambiguës, qui n’ont pas été réglées, peuvent devenir des boulets à traîner jour et nuit, comme un cancer qui ronge les os. L’exemple du psalmiste nous invite, dans une telle situation, à oser faire le premier pas vers l’autre, à tenter une démarche de clarification et de réconciliation.
Et s’il nous arrive d’être en position de victime – ce qui est ici paradoxalement la position de Dieu –, ce psaume nous propose, chaque fois que cela est possible, de mettre tout en œuvre pour que la vérité soit faite et que les torts soient réparés. Mais pas de vérité sans pardon : un pardon sincère, qui libère, qui ouvre des chemins d’humanité et qui rende la joie à nouveau possible. Dans le « Notre Père », nous demandons à Dieu de nous pardonner nos offenses « comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Ce psaume nous invite à apprendre de Dieu lui-même ce qu’est un pardon authentique : un pardon qui délivre vraiment du mal aussi bien la victime que l’offenseur.