Au cours des prochains mois, des amoureux se retrouveront dans des églises pour «convoler en justes noces». Chaque fois, deux histoires se noueront. L’alliance fera en sorte que chacun acceptera que sa vie soit transformée par l’autre, jusqu’à devenir «une seule chair» (Genèse 2, 24). Le lien sera fort au point que l’histoire de l’un ne pourra être dissociée de celle de l’autre. Même si par malheur il arrivait aux mariés de se quitter un jour, il restera toujours quelque chose de l’autre dans l’histoire de chacun.
Tenant la main de son amoureux, Liette prononcera la promesse solennelle de sa vie: «Jean-Philippe, je suis heureuse de me donner à toi pour être ton épouse. Je veux être près de toi et avec toi, aux jours de bonheur comme aux jours difficiles, tout au long de notre vie. » À son tour, Jean-Philippe s’engagera: « Liette, je suis heureux de me donner à toi pour être ton époux. Je veux être près de toi et avec toi, aux jours de bonheur comme aux jours difficiles, tout au long de notre vie.»
Dans cet échange de consentement, l’adjectif possessif n’indique pas seulement ni d’abord une possession. Il révèle un don, un consentement à devenir la «possession» de l’autre ou plutôt «l’appartenance». Les deux époux s’engagent à devenir un NOUS en reconnaissant même que leur JE, loin d’être détruit, connaîtra plutôt une libération du repli sur soi.
L’engagement de Liette et de Jean-Philippe est tourné vers l’avenir dont on pressent l’in-fini. On ne sait pas ce dont sera fait demain. Mais on accepte qu’il se révèle comme une source qui ne se tarit pas. Chacun croit que l’autre est un trésor dont on ne parviendra pas à estimer toute la richesse tellement elle est grande. Chacun aura toujours quelque chose à découvrir de l’autre.
Davantage, les époux chrétiens croient que, dans l’infini du NOUS conjugal, ils feront la rencontre de Dieu, l’Infini de leurs propres infinis! Le NOUS devient le lieu de naissance d’une vie nouvelle.
En acceptant de devenir un NOUS, les deux époux entrent dans le mystère de l’amour qui est à la fois don et accueil. «L’horizon de la vie du couple n’est pas une attirance énigmatique et fugace, mais il est le consentement à parcourir à deux tout le chemin de la vie pour s’apprendre mutuellement à recevoir et donner. […] L’alliance est le choix signifié de construire un espace de vie par et pour l’échange des dons.» (SAGNE, Jean-Claude, L’homme et la femme dans le champ de la parole. Paris, Desclée de Brouwer, 1995, p. 66 et 83)
Nous sommes mûs par nos intérêts personnels, c’est bien sûr. Mais nous recevons le don de donner! Donner est avant tout une grâce. L’engagement initial, le consentement est un acte de foi. Le couple s’engage sur une route; il entreprend un voyage, un exode vers une terre promise qui lui est inconnue pour le moment. Comme tout itinéraire, il faudra quitter des lieux et accéder à d’autres lieux, faire des morts et vivre des naissances. Bref, la vie du couple s’inscrit au coeur du mystère pascal. «Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul. S’il meurt, il porte beaucoup de fruits.» (Jean 12, 24)
Jour après jour, chaque époux est appelé à renoncer au repli sur soi; il est appelé à lâcher prise. Il doit s’abandonner, ce qui ne signifie pas s’abandonner au bon vouloir de l’autre, comme s’il était un esclave de l’autre, dans la pure négation de lui-même. Plutôt donner sa vie, continuellement. Se livrer comme le Christ a livré son corps. Livré à Dieu, livré à ses enfants, livré à l’Église, livré à la communauté. Bref, une vie de service. «Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne.» (Jean 10, 18)