Certains hommes semblent perdus au beau milieu d’un drame cosmique dont ils ne connaissent ni les tenants ni les aboutissants. Sorte de Robinson Crusoé à la dérive dans l’espace intersidéral, qui souvent refuse de s’interroger sur lui-même, sur son existence et sur son devenir.
Un observateur extérieur de cette étrange espèce ne pourrait que constater à quel point cet humanoïde est obsédé par lui-même. Théâtre, littérature, cinéma, photographie, peinture, musique, essais, philosophie, psychologie, sociologie. Il aime bien se glorifier alors qu’il affirme que sa vie n’a pas de direction et qu’elle est le fruit du hasard.
Pourtant, il cherche. Il ne cesse d’analyser sa vie, de la célébrer, comme si cela pouvait lui donner l’importance qu’il prétend qu’elle n’a pas. Il étudie le temps et l’espace qui se déploient devant lui avec le télescope de ses connaissances, de sa créativité et de son imagination. Mais peine perdue. Rien à signaler à l’horizon. Il est bel et bien seul. Tel est son constat.
Il fait penser à un amnésique s’accrochant aux rebords du temps, qui ne parvient pas à s’orienter au cœur de ces constellations, de ces milliards d’étoiles et de galaxies.
Que d’efforts déployés par cet orphelin cosmique qui ne sait ni qui il est, ni d’où il vient, ni où il va. Il se contente de vivre et d’aimer, sans demander son reste, s’accrochant simplement aux joies quotidiennes, cueillant les fruits de la vie sans trop se poser de questions. Et quand vient la mort, il meurt les yeux grands ouverts sur ce vide abyssal qui fonde son existence.
Pourtant, la joie de vivre de cet homme est admirable, elle est belle même. Il aime, et il a besoin d’être aimé. Il tolère difficilement la solitude, il a besoin d’être entouré, estimé. Et que dire de ses enfants ? Ils sont son bien le plus précieux. Il donnerait sa vie pour eux.
Souvent, il s’émeut à la moindre blessure chez les autres. Il est capable de générosité, de gratuité et de de compassion. La paix et la justice lui tiennent aussi à cœur et il arrive même qu’il donne sa vie pour en sauver d’autres. Pourtant, au terme de son existence, il croit retourner à la poussière, sans lendemain, vite oublié.
Comme il est émouvant cet Homme. Il ne lui manque que des ailes pour s’élever à la hauteur de ses rêves et de ses aspirations, les ailes du désir…
Le croyant que je suis est inspiré par ce que Marc Donzé disait au sujet de Maurice Zundel, et moi aussi j’aimerais « rejoindre chaque homme dans ce qu’il a de plus intime et de plus précieux : l’artiste dans son inlassable recherche de la Beauté, le savant dans sa quête de la Vérité, l’amant dans sa recherche d’un amour qui illimite tout amour. Je voudrais pouvoir parler de Dieu, à pas de silence et de respect, au cœur de ce qui importe le plus à l’homme. Je voudrais pouvoir dire sans violence, mais en prenant chaque homme par la main, que Dieu est l’accomplissement de l’homme [1]. »
[1] Donzé, Marc. La pauvreté comme don de soi. Cerf/Saint-Augustin,1997. pp. 36-37