Auteur : Paul Claudel (1868-1955) dramaturge, poète, écrivain et diplomate est un “auteur-monde”. Incroyant, il se convertit au catholicisme le soir de Noël 1886. “C’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant mon coeur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher.”
Texte :
Ouvre ce livre, et prête l’oreille à l’énorme rumeur qui s’en dégage. Écoute tout à la fois et dis-toi que cela vient de loin, ce que tu entends ; ce ne sont pas les grêles inventions de tel ou tel auteur particulier. D’un pôle à l’autre et venant des profondeurs les plus reculées de l’origine, celle de l’homme, celle du monde qu’il habite, c’est l’ascension vers Dieu de l’élément en proie à l’Esprit, la voix vers Dieu depuis la création du monde de tous ceux qui existent, de tous ceux qui souffrent, de tous ceux qui croient, de tous ceux qui espèrent, de tous ceux qui aiment, de tous ceux qui demandent.
Psaume 21/22
Dieu, mon Dieu, regarde-moi !
Pourquoi t’es-tu mis à m’abandonner ?
Et qu’éloignée de mon salut la parole que tu donnes à mes péchés !
Dieu mon Dieu, je crierai vers toi pendant le jour et tu ne m’écouteras pas, et j’ai devant moi la nuit pour savourer mon infortune.
Mais toi, qui te seras à toi-même d’habitation, ô le los d’Israël !
En toi ont espéré nos pères ! espéré et tu leur as apporté libération.
Ils ont élévé vers toi un cri et je les vois sauvés ! une espérance et je les vois autrement que confondus.
Mais moi, je suis un ver et non pas un homme : l’opprobre de la race humaine et le rebut de la plèbe.
Tous ceux qui me regardaient se sont pris à rire : leurs lèvres se sont mises en mouvement et ils ont hoché la tête.
Il a espéré dans le Seigneur qu’il le tire de là, le Seigneur ! qu’il avise maintenant à le sauver, puisque c’est de lui qu’il a fait choix !
Car tu es celui qui m’a extrait du ventre : ô toi, toute mon espérance à compter des seins de ma mère !
C’est en toi que j’ai été projeté de la vulve : dès le ventre de ma mère tu es mon Dieu !
Ne t’éloigne pas de moi !
Parce que proche est la tribulation et personne à me porte secours.
Tout un bétail autour de moi qui se presse : autour de moi les taureaux gras ont mis le siège.
Ils ont ouvert sur moi la gueule pour me dévorer, comme le lion rapace et rugissant.
Je me suis fondu comme de l’eau et mes os se sont l’un à l’autre arrachés.
Mon coeur s’est liquéfié comme de la cire dans le milieu de mon ventre.
Ma vertu s’est desséchée comme de la terre cuite au feu, ma langue s’est attachée à ma gorge, tu m’as réduit en poussière,
Car autour de moi s’est ameuté un tas de chiens : les méchants se sont associés contre moi.
Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont énuméré tous mes os.
Ils se sont régalés de me couver des yeux : ils se sont partagés mes vêtements, ils ont tiré mes vêtements au sort.
Mais toi, Seigneur, n’éloigne pas de moi ton aide : mets ton attention à me défende.
Soustrais ô mon Dieu, mon âme à la framée ! mon unique à la main du chien !
Sauvez-moi de la gueule du lion et de la corne des unicornes mon humilité.
Je raconterai ton nom à mes frères : dans le milieu de l’Eglise je publierai ta louange.
Qui craignez le Seigneur, louez-le ! semence de Jacob, glorifiez-le !
Pleure, Israël, parce qu’il n’a pas méprisé le pauvre. Il n’a pas détourné sa face de moi, il a essayé de faire ce que lui demandais.
J’allongerai mes bras dans une immense Eglise : on me verra distinctement en train de payer ce que je dois.
Mangeront les pauvres et ils seront rassasiés ! et loueront le Seigneur, ceux qui cherchent lui ! et vivront de son coeur les coeurs d’eux jusques aux siècles des siècles !
Une terre en remembrance et remembrement qui a trouvé son coeur.
Les familles de toutes les nations se mettront à genoux pour le regarder. Car à l’Eternel est le règne et les nations sont comme un tapis sous ses pieds.
Toutes les nations à qui c’est manger que de te regarder, et qui s’agenouillent pour t’adorer, à la rencontre de la terre,
Je puiserai mon âme en lui et tout ce qui en moi me fait père servira à le servir.
Annonce est faite au Seigneur de la génération qui vient, annonce est faite par le ciel de la Justice au peuple qui va naître et que le Seigneur a préparé de ses mains.