Junayd Abû’I-Qâsim (mort en 911), né dans l’ancienne Médie, mourut à Bagdad et fut le maître spirituel de Hallâj. Il suivit une ligne modérée et eut un grand rayonnement par sa sainteté et sa sagesse sereine. Il médita beaucoup sur le pacte prééternel de Dieu avec Adam et tous ses descendants à venir (mithâq : C 7, 172). Il aimait, dit-on, à égrener le rosaire des noms divins.
Cette prière, presque à l’aube de l’islam, manifeste la profondeur de la conscience du statut de créature face au Créateur. Et Junayd se montre touché de ce que Dieu qui voit tout, qui sait tout, ne divulgue pas, ne mette pas au grand jour les laideurs secrètes de chacun. Il s’agit de cacher, de voiler ou d’effacer, jamais de «racheter» au sens judéo-chrétien.
Ô Dieu, notre Dieu,
je me présente devant Toi comme un mendiant,
ô le meilleur de ceux qui écoutent les prières des solliciteurs.
Par ta libéralité et par ta gloire, ô le plus généreux des généreux;
par ta bonté et ta bienveillance, ô le plus bienfaisant des bienfaisants;
par ta charité et par ta compassion, ô le meilleur des donateurs.
Je Te présente ma supplication humble, soumise, confuse, avilie, mortifiée.
Sa misère crie vers Toi,
son impérieuse nécessité prend refuge auprès de Toi
avec une force égale à celle qui l’a fait naître en moi.
L’ardeur de ma supplication s’est accrue en considération de ce que Tu possèdes.
Elle sait que rien ne se fait sans Ton agrément,
et que nul suppliant ne T’adresse sa prière
sans que Tu n’aies permis qu’elle monte vers Toi.
Combien de laideurs Tu as voilées aux regards de nos semblables!
Combien de nos épreuves Tu as dissipées!
Que de fois Tu nous as relevés lorsque nous sommes tombés!
Que de fois Tu nous as pardonnés lorsque nous avons péché!
Que d’afflictions Tu nous as ôtées!
Que d’éloges sur notre conduite Tu as divulgués!
Je T’adresse ma prière fervente,
ô Toi qui entends les appels de ceux qui crient pour demander secours;
Toi qui connais les pensées secrètes de ceux qui se taisent;
Toi qui considères avec attention les efforts de ceux qui vivent dans la solitude de leurs ermitages…
R. Khawam, Propos d’amour du mystique musulman,
Paris, Éd. de l’Orante, 1960, p. 91-92.