Ma belle-mère, qui est certainement l’une des personnes les plus gentilles que je connaisse, vit à 5500 km de chez nous, non loin de sa sœur benjamine. A 90 ans, sa santé est rendue très précaire. C’est un souci constant pour mon épouse que d’être présente en étant aussi loin. La présence aux proches, qu’ils soient vieillissants ou non, chargés de familles, d’enfants et de petits-enfants, dans notre XXIe siècle si mobile, revêt parfois un défi de taille. Nous avons vécu aussi loin de ma propre mère pendant que nos enfants grandissaient et nous avions à cœur de tisser le lien entre tous. Mais la distance souvent est porteuse de malentendus, de non-dits dévastateurs ou de jalousies rentrées et d’incompréhensions sourdes.
Il y a alors un travail de communication encore plus rigoureux qui doit se réaliser pour dénouer les impasses. C’est le problème de toutes les relations humaines mais la distance impose un rythme différent. Toujours nous devons rappeler à nos proches que nous les aimons malgré les différences qui pourraient nous diviser à la longue.
Cette présence-absence si bien dans la tendance de nos oxymores contemporains tels que réalité virtuelle ou humanité augmentée, nécessite une fidélité aux parents lointains qui peut se nourrir d’attentions diverses : coups de téléphone, conversations en direct à l’ordinateur, petits messages et colis par la poste, etc. Rien ne remplacera cependant de prendre le temps d’être présent en chair et en os pour nourrir la relation sur un mode plus réel.
Le proverbe dit « Loin des yeux, loin du cœur ». Ce n’est pas toujours vrai mais à condition de ménager des rendez-vous réguliers avec la personne si lointaine et si proche à la fois.
Cette attention à une personne importante qui nous est cher et que nous ne voyons pas est aussi au cœur de la spiritualité chrétienne. Nous ne « voyons » pas Dieu qui nous paraît souvent si lointain. Une vie de prière bâclée ou une existence trépidante qui oublie l’essentiel peuvent nous le rendre encore plus abstrait. Dieu peut être ce parent qu’on néglige à force de ne plus le voir dans nos vies bien remplies.
Certes, la relation du fidèle à Dieu est particulière. Mais pour les chrétiens, il est aussi ce Seigneur qui a vécu parmi les apôtres, nos aînés dans la foi. Il est ce Dieu qui nous a été retiré sur cette promesse : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mathieu 28,20).
L’exigence est alors essentielle, de savoir ménager un rendez-vous quotidien avec Lui pour faire mentir le proverbe.