Au moment où j’écris ces lignes, l’année 2007 exhale ses derniers souffles. Dans quelques heures, elle rendra l’âme. Elle est déjà très vieille, ridée, fatiguée, épuisée. Pourtant, chacun de ses trois cent soixante-cinq jours s’est présenté comme un bébé plein de vie, la peau fraîche et rose. Le temps marie jeunesse et vieillesse dans la cohérence et l’incohérence tout à la fois.
Hier, avec des amis, je tournais les pages d’albums de photos, renouant ainsi avec mes vingt-cinq ans. En comparant avec ce que le miroir me rend aujourd’hui, je suis forcé d’avouer que le temps a fait son oeuvre. Le temps manifeste sans merci ses ravages. J’espère que la partie de moi-même qu’il cache est riche de saveurs comme le vin a meilleur goût quand il a vieilli.
Le temps! Il en mène large, le temps. De tout ce qui compose l’univers, le temps demeure la bête la plus libre et la plus puissante. Il fait ce qu’il veut. Il est maître de nos vies. Oui, il nous conduit, nous contrôle, nous maîtrise. À côté de lui, l’espace a des allures de petit esclave soumis. Les humains exerce sur lui un pouvoir presque insurmontable. Nous piétinons l’espace. Nous l’agrandissons même. Pensons seulement aux navettes spatiales qui vont bientôt peupler le ciel. Nous ne nous limitons plus à la terre. Les galaxies nous attendent.
Il n’en va pas ainsi pour le temps. Lui, il nous échappe bel et bien. Malgré tous nos efforts pour gérer notre temps, ce sont plutôt nos agendas qui nous gèrent. Les échéances se présentent implacablement, pointant de l’aiguille de la montre ou de la page du calendrier les derniers instants qui précèdent la date fatidique où il faudra rendre la marchandise.
Nous essayons bien de dompter l’animal. Nous inventons des machines et des instruments qui nous permettent de régler rapidement certains travaux. L’étudiant court moins à la bibliothèque pour concentrer ses recherches sur Internet. Confortablement assis dans son salon, le client peut opérer une transaction par téléphone avec le vendeur d’un grand magasin. Grâce à des outils plus ou moins sophistiqués, nous arrivons à construire à grande vitesse des maisons et des édifices énormes.
Nous applaudissons nos exploits et nos records en pensant que nous contrôlons de plus en plus le temps. Illusion! Nous n’avons jamais été aussi débordés que ces dernières années. Le temps s’amuse avec nous. Il rit en nous voyant nous essouffler à la tâche. Adieu, notre rêve de société des loisirs. Nous ne pouvons pas plus qu’avant nous prélasser dans le farniente. Même nos loisirs sont obligés de se soumettre à la poigne du temps. Tout est programmé.
Parfois, nous nous surprenons à penser que nous pourrions programmer même le bonheur. Certains amoureux en viennent à la conclusion qu’ils devraient se mettre à l’agenda pour se garder du temps à deux. Des amis espacent les téléphones, plus encore les rencontres, chaque fois en se sentant coupables de rogner sur le temps des engagements et des travaux.
Avouons-le: nous avons de moins en moins de pouvoir sur le temps. Les meilleurs dompteurs n’en feront pas un animal domestique. Le temps demeurera toujours sauvage. Pour ne pas étouffer à tout jamais notre liberté, il faudra composer avec cette évidence.
Comment cohabiterons-nous avec le temps au cours de la prochaine année? Malgré sa puissance, malgré ses nombreuses victoires, il ne faudra pas démissionner devant lui. Garder la tête hors de l’eau devra demeurer notre objectif. Entre essais et erreurs, nous nous exercerons à lui tenir tête, chaque jour qui se présentera à nous. Nous aurons même une journée de plus en 2008 pour nous apprivoiser mutuellement puisque ce sera une année bissextile. Souhaitons-nous du bon temps, beaucoup de bon temps, et le moins possible de mauvais temps.
Bonne année!