Ces jours-ci, j’ai plongé dans le monde des malades. J’ai dû arpenter les corridors d’un hôpital.
De chaque côté de ces longues rues intérieures, le long des murs, des chaises tubulaires, des bancs d’église reçoivent des hommes et des femmes en mauvaise santé, des jeunes mais surtout des moins jeunes. Hypothéqués!
Il y a de tout. Des malades, inquiets et angoissés, ont peur devant l’éventualité que leur situation s’aggrave ou que la guérison ne soit pas possible. D’autres ont les traits tirés de ceux qui souffrent. La douleur les agite; ils ne trouvent pas de position confortable. Certains manifestent de la sérénité par tempérament ou par naïveté. Quelques-uns supportent mal d’attendre. Ils sont parfois au bord de la crise de nerf.
Ici, les patients gardent silence. Ils jonglent. Là, ils tentent timidement d’entretenir une conversation. On entre plus ou moins loin dans le pays intérieur de l’autre. On laisse plus ou moins pénétrer dans son univers.
La maladie force au bilan. On fait le point sur son état physique. On regarde d’où on vient. D’étape en étape, on remonte le cours du temps. On sourit en traversant les beaux jours. On s’attriste au souvenir des moins beaux. On regarde l’avenir dans la même perspective que le passé. On fait pour ainsi dire un bilan par anticipation.
La vie est regardée avec les lunettes de la maladie. Celle-ci devient le symbole de l’itinéraire parcouru au cours des années. Je me souviens d’une dame qui souffrait d’hémorragie. Elle racontait ses relations difficiles avec son mari, l’échec financier de son aîné et les rêves déçus qu’elle avait entretenus pour sa fille. J’avais l’impression qu’elle vivait ses épreuves comme des pertes sanguines. La vie lui échappait. Malgré elle, la vie s’écoulait. Elle en perdait la maîtrise. La maladie devenait ainsi une illustration de sa vie.
Notre corps nous guide dans la quête de sens de notre vie. Nous regardons à partir de nous-mêmes. Les psychologues insistent pour que nous écoutions notre corps. Que nous le voulions ou non, cette écoute se fait. Le corps s’impose. Peut-être moins quand la santé est au rendez-vous. Il s’impose certainement quand il est malade. Notre bonheur comme notre personnalité sont tout aussi physiques que psychologiques et spirituels.
L’esprit et le corps sont mariés à la vie et à la mort. Pour que leur mariage soit réussi, ne faut-il pas que le coeur fasse partie de l’alliance? Je suis persuadé qu’une grande partie des gens en santé sont des amoureux heureux. Et, parmi les malades, les amoureux traversent la maladie avec plus de réussite que les autres. C’est une hypothèse, mais je suis tenté d’en faire une conclusion!