Chaque octobre canadien ramène son lundi de l’Action de grâce. Personne ne va dénigrer ce congé qui prolonge bien la fin de semaine. Ce lundi n’est pas de trop pour emmagasiner de l’énergie après le sprint de la rentrée et avant les rigueurs de l’hiver.
C’était un congé religieux. Vous avez bien lu: c’était. On ne fait plus guère de lien entre ce jour un peu spécial et Dieu le créateur. Et pourtant, nous parlons d’action de grâce. S’il est un terme qui renvoie à une réalité religieuse, c’est bien celui-là. Nous rendons grâce à quelqu’un. Nous rendons grâce à Dieu pour tous ses bienfaits.
Nous rendons à Dieu la grâce qu’il nous fait jour après jour. L’action de grâce est d’abord l’initiative de Dieu. Il donne. On ne rend pas grâce pour ce qui est dû. C’est une grâce que nous rendons, quelque chose de gratuit, quelque chose que nous recevons sans aucun mérite de notre part, sans aucun droit acquis sur ce qui est offert.
Et que recevons-nous en toute gratuité? Tout! Oui, tout! Depuis le premier souffle de vie, la première palpitation de mon être, je reçois. La vie m’est donnée. Et avec elle, l’amour dont on m’inonde, les êtres humains que je côtoie chaque jour, le toit qui m’abrite, la table qui renouvelle mes forces, la nature où j’évolue. Tout m’est donné.
Je n’ai même pas eu besoin de supplier qu’on me fasse naître. Un homme et une femme m’ont désiré sans que je fasse de cabriole pour les séduire, sans que je leur offre de l’argent pour les dédommager. Ils m’ont donné la vie. Par eux, Dieu m’a donné la vie.
J’aime le vieux texte saint qui raconte symboliquement la création de l’être humain. On y représente l’être humain tiré de la terre. Il appartient à cette création. Il est pétri des mêmes éléments que les arbres, que les animaux, que tout ce que contient la planète. Mais Dieu l’anime de son souffle. Dieu lui donne sa vie. Comme si la vie était aussi divine qu’humaine, aussi divine que naturelle. Dieu est là quand je vis. Dieu est là quand je respire. Dieu donne le souffle que je respire. Tout est donné, instant après instant, parcelle d’être après parcelle d’être, fragment de nature après fragment de nature. Tout est grâce!
Dieu donne sans faire payer. Les droits et devoirs ne débordent pas les frontières de l’humanité. Les hommes et les femmes ont des droits entre eux. Ils ont droit à la nourriture, au logis. Ils ont droit au bonheur. Et ils ont droit à tout cela fondamentalement parce que Dieu l’offre à tous et à chacun. Certains d’entre nous n’ont pas le droit de retenir égoïstement ce qui est revient à tous. Le partage des richesses de la terre est un droit parce que Dieu a donné et donne à toute l’humanité.
Nous gérons les générosités de Dieu. Nous devons les gérer selon les intentions du donateur. Rendre à Dieu la grâce qu’il nous fait, c’est en premier lieu rendre cette grâce, ces grâces, à tous les êtres humains sans en exclure. Qu’ils habitent Montréal ou le Darfour, peu importe. À la table de Dieu, qu’on soit blanc, noir ou jaune, chacun a une place réservée par le créateur. Rendre grâce, c’est donc partager. Et pas seulement, un lundi d’octobre par année.