Entre l’homme et sa femme, il semble y avoir l’amitié la plus grande, écrit saint Thomas, et cette affirmation résume bien son enseignement sur le mariage, orienté par une réflexion sur l’amour qui engendre l’amitié, entendue au sens fort, que Thomas tient de la Bible et d’Aristote. Cette citation exprime aussi le lien entre les deux parties de cet ouvrage, Amours, consacrée à différentes formes d’amitié de couple.
L’accueil dans la communauté ecclésiale et le soin pastoral des divorcés remariés font l’objet de la première partie de cette étude. La seconde partie est consacrée à un argument proche et étroitement lié au premier : l’accueil et le soin pastoral de personnes qui ont une inclination, y compris sexuelle, vers des personnes de même sexe.
Et que vient fait Thomas d’Aquin dans cette galère?
Vivant au Moyen Âge, Thomas d’Aquin ne connaît pas ces deux problèmes actuels, mais son enseignement quotidien de la Bible, sa fréquentation assidue des Pères de l’Église, spécialement des Pères grecs, son étude et ses commentaires d’Aristote, les fréquents débats publics, à l’Université et dans les couvents, donnent à sa doctrine une ampleur, une originalité et une liberté également fécondes pour la réflexion sur des problématiques actuelles.
À propos du mariage, cet ouvrage contient une étude interprétative de la théologie de saint Thomas et de ses fondements philosophiques, une analyse historique de la permanence de la doctrine thomiste dans certains écrits du Magistère et dans l’histoire de la théologie, par un sondage chez différents auteurs à des époques précises, et, enfin, une étude théologique sur l’enseignement actuel de l’Église à propos de l’accès des divorcés remariés aux sacrements de la réconciliation et de l’eucharistie, qui pose l’exigence de perfectionner la pratique actuelle de l’accueil de ces personnes.
Il peut sembler surprenant, en revanche, d’utiliser la doctrine de saint Thomas pour traiter de l’homosexualité dans le contexte actuel. Rappelons que saint Thomas considère cette inclination «selon la nature» de la personne homosexuelle prise dans son individualisme. Il a semblé à l’auteur que cette intuition de saint Thomas sur l’origine de l’homosexualité, entendue comme inclination, y compris sexuelle, d’une personne vers des personnes de même sexe, pouvait être féconde pour développer, à partir de son système doctrinal, des propositions d’accueil de personnes et de couples homosexuels.
Docteur en théologie, historien des doctrines médiévales, chercheur au Laboratoire d’études sur les monothéismes (CNRS, Paris), Adriano Oliva, dominicain, est membre de la Commission léonine qui est en charge de l’édition critique des oeuvres de Thomas d’Aquin.
Adriano Oliva, o.p., Amours. L’Église, les divorcés remariés, les couples homosexuels, Éditions du Cerf, 2015.