Lorsque le couple se forme, le monde autour de lui s’évanouit temporairement. C’est la période vase clos où les regards du couple ne se distribuent qu’à deux. Ils se reconnaissent dans le miroir de l’âme de l’autre et passent une grande partie de leur temps à se contempler. Un temps de grâce béni, sain et constructif pour la suite. Puis, l’amour tourne le regard des amoureux vers l’avant. St-Exupéry ne disait-il pas « aimer, c’est regarder dans la même direction »? C’est un tournant à ne pas manquer à deux, sinon on risque fort de s’étouffer dans la fusion.
Le mariage appelle vers l’avant. La célébration est la consécration de l’amour, et la vie conjugale appelle ensuite à faire fructifier cet amour. L’amour doit porter du fruit. Le plus souvent les époux auront des enfants qui les décentreront et les amèneront à se donner entièrement. Quand cela n’est pas possible le couple est aussi appeler à se donner que ce soit dans un projet d’adoption ou un projet ensemble au service des autres. En se dévouant ainsi, le couple se solidifie.
Il est si humain d’avoir des enfants, qu’on se demande où se cache le divin dans cette tâche si humble, si commune. La société de consommation s’est même introduite dans les préparatifs et transforme parfois ce désir de donner la vie en bien de convoitise où être parent devient une capacité à s’offrir une panoplie de biens en lien avec le bébé. C’est une petite « chose » qu’on s’offre. Et on nous chiffre à combien s’élèvera ce « bien » de la naissance à dix-huit ans.
Mais donner la vie est si grand pour un couple, que même la société de consommation n’entrave pas le processus de don et d’amour qu’il suscite chez le couple. Car lorsque l’enfant paraît, tel qu’il est, tous les biens matériels disparaissent autour de lui. Qu’on soit plus ou moins nantis, un nouveau-né suscite la contemplation, l’émerveillement devant la Vie. Les parents bien équipés en meubles juvéniles dernier cri, poussette de luxe, vêtements griffés pour bébé ne sont pas mieux préparés devant la venue d’un enfant que ceux qui ont tout en seconde main. Un petit est exigent. Il doit être nourri la nuit comme le jour, pris fréquemment, changé, bercé, promené. Il a parfois des pleurs inconsolables qui laissent les parents impuissants…
Les parents qui croyaient posséder et contrôler une naissance programmée se rendent vite compte que ce n’est pas si simple! L’enfant est autre. Il fallait déjà s’adapter à l’autre dans le couple, maintenant ce petit être issus d’eux deux est distinct d’eux, avec sa volonté propre. Et le plus mystérieux est sans doute l’engouement des parents pour leur enfant qui exige tant d’eux. L’amour grandit.
L’histoire ne se termine pas ainsi. Les parents s’attachent profondément à leur enfant et lui prodiguent tous les soins et l’affection possible. Mais ils ne font pas cela pour eux-mêmes. Ils s’en doutent bien un peu. Le petit, il leur faut l’éduquer pour demain, afin qu’il devienne un individu adulte et autonome. Le couple doit grandir en apprenant à aimer de manière inconditionnelle et sans retour. L’enfant quittera le nid pour donner ailleurs à son tour. Il n’est pas si banal d’avoir des enfants. C’est une voie commune qui guide vers Dieu.