En novembre 2015, nous avons évoqué dans notre éditorial le problème des femmes autochtones vivant au Québec. Nous poursuivons sur cette lancée, mais cette fois en abordant un autre problème tout aussi crucial que vivent les jeunes des Premières Nations. L’idée nous en est venue suite aux événements qui se sont produits le 22 janvier dernier à La Loche, une petite communauté du nord de la Saskatchewan : une fusillade perpétrée par un jeune de 17 ans a fait quatre victimes, dont deux frères et deux enseignants, et plusieurs blessés. Ici, nous ne parlons pas de terrorisme, mais d’une tragédie qui traduit, nous semble-t-il, une détresse profonde et bien réelle au sein des communautés, celle de nombreux jeunes.
Devant pareil événement, nous sommes sans voix tant le mal et la souffrance sont grands. Il nous faut faire silence pour laisser parler les événements et essayer de les interpréter. Que se cache-t-il derrière le geste de ce jeune ?
Mal à l’aise, nous ne pouvons nous empêcher de penser que nous sommes en partie responsables des difficultés que vivent les Premières Nations. Nous savons que plusieurs de ces communautés vivent depuis trop longtemps des inégalités et des injustices, qu’on a préféré ignorer pour toutes sortes de raisons. Faut-il rappeler que le dernier pensionnat autochtone a fermé ses portes en 1996 et que les enfants, arrachées jadis à leur foyer, sont aujourd’hui les parents de ces jeunes ? Faut-il s’étonner que ces mêmes jeunes soient en quête d’une fierté identitaire et d’un espoir, ne sachant plus très bien qui ils sont, étant pris entre deux mondes, le leur et celui des blancs. Nous ne pouvons revenir sur le passé, mais la possibilité d’un avenir meilleur pour eux existe. Il nous faut le chercher.
Cette tragédie nous interpelle au niveau du fondement de notre société : le vivre ensemble auquel nous sommes appelés. N’est-ce pas là le bien commun le plus précieux qui devrait s’étendre à tous sans exception ? À cet égard, il nous semble que nous devrions être capables de mettre de côté nos différends, sans rejeter pour autant nos différences, et chercher ce que nous avons en commun. Cette attitude pourrait nous conduire au partage authentique de nos deux cultures. Sur ce point, nous pensons que nos spiritualités respectives, de tradition amérindienne et occidentale, peuvent nous aider à faire ce pas en avant, qu’il y a connivence entre les deux, ne serait-ce qu’au niveau de l’accueil de la différence, de l’ouverture au monde et du respect de la vie.
Nous avons participé au problème, nous devons aussi faire partie de la solution et les aider. Tout d’abord, il faut qu’il y ait une volonté commune d’agir, de travailler ensemble, faisant en sorte que la mise en commun de nos richesses et de nos talents nous profite d’un côté comme de l’autre. Ce ne sera pas facile, étant donné la diversité des communautés, qui ont chacune leur culture et leur langue ; pas facile, mais pas impossible non plus ! Les populations autochtones se mobilisent déjà, de beaux projets voient le jour et redonnent l’espoir à une jeunesse qui se cherche. Ce sont des projets bien concrets qui leur donnent le goût de croire en eux et à la vie qui s’ouvre.
Et si la tragédie de la Loche nous avait enfin ouvert les yeux pour que nous puissions ensemble bâtir de l’espoir pour ces jeunes ?
En Collaboration
Anne Saulnier et Jacques Marcotte, OP
Québec