31 janvier 2014
Les journaux ne manquent pas d’attirer l’attention sur les difficultés que traverse l’Église dans certains pays du monde. Je pense en particulier à l’Iraq, à la Syrie, au Nigéria. En ces temps difficiles, il est bon de retourner aux origines et de compter sur le témoignage des premières communautés pour vivre notre foi aujourd’hui.
C’est à une Église bousculée par les persécutions romaines que l’évangéliste Marc destine son évangile. Une Église meurtrie, blessée, angoissée. Une Église sans défense, abandonnée aux fauves dans les spectacles publics. Une Église que le combat affaiblit. Une Église que le doute assaille. Une Église qui pourrait bien tout lâcher et prendre la fuite.
Pour cette malheureuse, Marc dessine la figure du Christ. Il rappelle le secret que Jésus confiait aux siens en traversant la Galilée : «Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera.» (Marc 9, 31) Il a été rejeté jusqu’à être livré à la mort.
L’Église peut-elle connaître un sort différent? Le corps peut-il danser de joie quand la tête souffre? Le corps peut-il exiger la première place quand la tête a reçu la dernière? Le corps peut-il se faire servir quand la tête s’est faite servante? «Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous.» (9, 35)
Dans la bouche de Jésus, point question de résignation, de mépris de soi, d’abnégation, d’effacement. Un enfant aimé de Dieu n’a pas le droit de se haïr. On se trouve ici sur un autre registre. Jésus apprend aux siens qu’on ne le suit jamais sans rencontrer la croix. Quelques années avant Marc, Paul avait dit aux mêmes Romains : «Baptisés en Jésus Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés? Par le baptême, en sa mort, nous avons donc été ensevelis avec lui…» (Romains 6, 3-4) Il ne faut donc pas se surprendre que la mort s’agglutine aux disciples et qu’elle prenne les traits de la persécution. Au milieu de la nuit, au cœur de la tempête, l’Église doit continuer d’accueillir le Christ et, par lui, accueillir Dieu, même si la mort paraît nier Dieu avec virulence.
L’Église d’ici, celle à laquelle nous appartenons, ne connaît pas la détresse des premières générations croyantes qui habitaient Rome sous le règne de Néron. En Amérique comme en Europe, les chrétiens et les chrétiennes ne sont pas poursuivis par la persécution. Le mal n’en continue pas moins de blesser le monde. La mort ne compte plus ses victimes. Et cette dure réalité jette le doute dans nos esprits. Si Dieu existe, pourquoi ses enfants souffrent-ils? Si le Christ nous a libérés de la mort, pourquoi mourons-nous encore?
Jésus répète encore son message : «Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes (le verbe est au présent !); ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera» (9, 31). Faudrait-il que Marc écrive de nous ce qu’il observait chez les disciples : «Ils ne comprenaient pas cette parole…» (9, 32)