Souvent au cinéma, les meilleures réalisations s’imposent par la simplicité qui émerge d’un scénario habilement construit, d’une réalisation maîtrisée et de la performance d’acteurs bien encadrés et enthousiastes. C’est le cas des deux films que nous proposons : modestes dans les moyens de production mais étonnants dans l’intérêt qu’ils suscitent.
LE PRESSENTIMENT
Dans une adaptation fine et sensible du roman éponyme d’Emmanuel Bove, le personnage principal Charles Bénesteau tente d’échapper à deux maux de notre société : l’aliénation et la mesquinerie. Le rôle est campé par Jean-Pierre Darroussin, qui signe ici la réalisation consciencieuse, mesurée, anti-spectaculaire du film.
Après avoir quitté une carrière d’avocat prospère et une famille modèle, Charles Bénesteau se retrouve dans la solitude d’un appartement minuscule situé dans un quartier populaire de Paris, où il compte écrire un livre. Son désaveu a laissé ses proches sans voix. Pareillement, ce bourgeois réformé représente pour les occupants de son nouvel immeuble un véritable objet de curiosité. Or, la distance que Charles entendait garder avec eux est perturbée lorsqu’une crise conjugale, survenue chez ses voisins, le force à héberger temporairement leur fille adolescente Sabrina. Aussitôt, Valérie, une commère du quartier s’impose chez lui comme gouvernante et alimente l’immeuble en ragots qu’elle colporte à son sujet. Il souffle bientôt dans le quartier une vague de méchanceté qui n’est pas sans rappeler à Charles les mœurs mesquines du monde qu’il a quitté.
Des débuts de cinéaste fort prometteurs pour Darroussin dont témoignent avec éloquence la richesse de la peinture sociale, la profondeur psychologique des personnages, et par-dessus tout, l’économie du scénario (co-écrit avec Valérie Stroh), qui prend le parti de la nuance et de la suggestion. Ainsi, alors que nous prêtons d’emblée au protagoniste une sagesse intérieure, nous sommes à la fois surpris et déroutés d’apprendre au dernier acte que lui-même n’avait aucune idée des raisons qui l’avaient poussé à faire ce choix de vie singulier. De cette surprise et de bien d’autres, découle la force de ce film beau et intelligent, bien défendu par tous les interprètes.
AVRIL
Il s’agit également d’un premier long métrage pour Gérard Hustache-Matthieu qui affiche ici une candeur et une simplicité détonantes. Bien qu’il aborde des sujets délicats (la foi, l’homosexualité, etc.), le cinéaste revendique pour ce voyage initiatique sur fond d’amour et d’amitié un ton léger et pétillant.
Élevée dans un couvent, Avril – le mois de sa naissance – se prépare à prononcer ses vœux perpétuels au sortir d’une retraite fermée de quinze jours dans la chapelle défraîchie de la communauté des Baptistines. Sœur Bernadette, sa confidente, lui suggère plutôt d’aller découvrir le monde et de laisser éclore sa passion pour le dessin. Du même souffle, la religieuse apprend à la jeune novice l’existence de son frère jumeau, David, qui avait été confié à un orphelinat tenu par des Jésuites. Avec l’aide de Pierre, un jeune homme rencontré sur la route, Avril retrouve son frère en Camargue, où il passe ses vacances avec son petit ami Jim. À leur contact, la jeune femme s’ouvre peu à peu à de nouvelles perspectives de vie.
Le récit démarre dans un climat austère. Puis, une fois le secret éventé au détour d’un rebondissement prévisible, un vent de liberté souffle sur l’intrigue et les protagonistes. À travers une mise en scène sobre et fluide, le jeune réalisateur sonde avec talent la profondeur de ses personnages. Évaluant dans une histoire un peu éparpillée qui a un dénouement peu convaincant, Sophie Quinton, véritable muse de l’auteur, s’impose par son jeu rafraîchissant d’une jeune orpheline, enfin sur la route de la lumière.