Parler de mariage, c’est évoquer l’amour. En même temps, c’est mentionner une institution. Curieusement, le mariage rapproche deux notions qui, à première vue, n’ont pas l’air d’aller ensemble: l’amour et l’institution.
Le dictionnaire dit froidement en parlant du mariage: «union légitime d’un homme et d’une femme». Les amoureux en parlent avec des accents plus chaleureux, avec des étincelles plein les yeux. Au-delà de l’institution, il y a l’amour avec tout ce qu’il suppose de liberté et d’inventivité.
Évoquer le mariage, c’est tout de suite penser au couple. Mais le mariage et le couple ne vont pas ensemble automatiquement. On rencontre de plus en plus de couples qui ne sont pas mariés. Souvent, nous nous trouvons en face de couples non mariés qui sont heureux, fidèles d’une fidélité indéfectible. On connaît aussi des gens mariés qui ne forment pas vraiment un couple. L’amour est absent de leur vie commune, les relations impossibles, la responsabilité mutuelle inexistante.
La très grande diversité des situations amoureuses manifeste la réalité de la société et du vivre ensemble que nous connaissons présentement. La rigidité de l’institution qui caractérisait le mariage autrefois a cédé la place à l’expression des personnalités, à la créativité. Nous nous inventons de plus en plus comme hommes et comme femmes. Le développement des sciences humaines permet de mieux nous comprendre comme individus et comme société, comme homme et comme femme. Nous développons, du même coup, de nouveaux comportements et de nouvelles attitudes.
«Sur le fond de ce qui semble le plus universel, le mariage, voici que se dessine dans la société urbaine et industrielle, technique et planétaire, une façon nouvelle et singulière d’être homme et femme; façon qui trouve son appui dans la psychanalyse, l’ethnologie et l’anthropologie. Une nouvelle universalité s’annonce-t-elle? Ne rejoindrait-elle pas celle du mythe biblique des origines (voeu plus qu’histoire) présentant la rencontre de l’homme et de la femme comme la naissance tout à la fois du couple et du mariage?» (MÉTRAL, M.-O., article «Mariage et couple», dans Encyclopaedia Universalis , Paris, Encyclopaedia Universalis France, 1978, tome 10, p. 518.)
Les changements et les bouleversements que connaissent les couples aujourd’hui sont le signe d’une crise du mariage. Cette situation peut nous inquiéter. Mais y a-t-il eu une époque où cette institution n’a pas eu à vivre des difficultés? Pour faire face à tous ces changements, la société a cru bon – et croit bon encore – intervenir et créer des cadres et des lois pour mieux contrôler la situation.
«La reconnaissance sociale du mariage (c’est-à-dire la transformation de la rencontre sexuelle à base de promiscuité en contrat, cérémonie ou sacrement) est toujours une angoissante aventure; et on comprend que la société ait cherché à se prémunir contre ses risques par l’imposition continuelle, et presque maniaque, de sa marque.» (LÉVI-STRAUSS, Claude, Les structures élémentaires de la parenté, Paris, PUF, 1949.)
Il y a du danger dans le désir sexuel. Un danger pour les personnes elles-mêmes. On peut réduire l’autre à n’être qu’un objet. Le danger guette également la société elle-même. Entre les individus peuvent naître des rivalités dans la conquête de l’objet convoité.
Le danger est d’autant plus grand que les êtres humains ne connaissent pas des périodes de rut bien établies comme les animaux. Ils peuvent réveiller leur désir sexuel quand ils le veulent, indépendamment des saisons et des étapes de leur vie.
Il y a donc, dans la sexualité, quelque chose de subversif. La violence en fait partie d’une manière ou d’une autre. La sexualité exerce une influence sur tous les rapports humains. Et son influence peut aller dans tous les sens. D’où la tendance des sociétés et des cultures à exercer un contrôle de la pulsion sexuelle, un contrôle par une loi.
«La conjugalité est précisément le fruit de la conjugaison du désir et de la loi.» (CHAUVET, Louis-Marie, dans Le sacrement de mariage entre hier et demain, coll. «Vivre, croire, célébrer», Paris, Éditions de l’Atelier, 2003, p. 16.)