La maladie et la souffrance remettent souvent en question la relation avec Dieu et avec les autres. Une personne qui souffre peut avoir le sentiment d’être abandonnée de tous, de Dieu comme de ses proches. Mais si elle s’en sort, elle associe spontanément les siens à son bonheur. Le Psaume 21, un des plus connus de la tradition chrétienne, évoque pareille situation. (Le psaume est publié à la fin de cet article.)
LE THÈME DU PSAUME ET SA STRUCTURE
Ce psaume fait entendre la supplication d’un souffrant qui a le sentiment d’être seul pour affronter la mort avançant à grands pas (v. 2-22). Dieu est appelé à l’aide (v. 12.22) : cet appel nourrit l’espérance de jours meilleurs. La guérison du suppliant deviendra signe que Dieu peut procurer le salut aux personnes qui se tournent vers lui (v. 23-32). La différence de ton entre le début et la fin du psaume est assez surprenante. Pour l’expliquer, certains commentateurs ont formulé l’hypothèse qu’il était récité au cours d’une liturgie et qu’un prêtre intervenait durant la cérémonie pour assurer le fidèle du secours de Dieu.
L’EXPÉRIENCE DE SOUFFRANCE
Le psalmiste se présente comme s’il était aux prises avec un mal qui entraîne la mort. Il sent son cœur fondre, ses os se disloquer et il a l’impression de n’être plus qu’un filet d’eau qui s’écoule. En même temps, il a peine à parler, tant sa bouche est desséchée. Il se voit déjà réduit en poussière, allongé comme un mort (v. 15). Pourtant, il n’attire ni la pitié ni la compassion. Au contraire, ceux qui le regardent le trouvent aussi repoussant qu’un ver de terre et se moquent de lui au lieu de le soutenir (v. 7).
LE SENS DONNÉ À LA SOUFFRANCE
Pour le psalmiste, Dieu est derrière son épreuve : « Tu me mènes à la poussière de la mort. » (v. 16) Mais il ne sait pas vraiment comment expliquer sa souffrance. Il ne fait aucun lien avec des fautes qu’il aurait commises et que Dieu voudrait punir; il ne parle pas non plus de la fragilité de la condition humaine ou d’une épreuve que Dieu lui enverrait. Une seule explication est plausible : Dieu l’a laissé tomber, il lui refuse ses bienfaits, il ne n’occupe pas de lui, sans aucune raison.
RÉACTION DEVANT LA SOUFFRANCE
Aux prises avec son malheur, le psalmiste crie, « rugit » vers Dieu, jour et nuit. Il se tourne vers Dieu qui lui a donné la vie et auquel il demeure fidèle depuis son enfance (v. 11). Il se rappelle, et il rappelle à Dieu en même temps, comment ses ancêtres ont eu raison de garder leur confiance en Dieu. Il sait que Dieu est sa seule force ; sa seule chance de salut est que le Seigneur l’entende et cesse de se tenir loin de lui.
Si une telle prière est formulée au cours d’une liturgie, il est possible qu’un prêtre vienne assurer le fidèle que Dieu a entendu sa prière et qu’il va le délivrer. On peut aussi penser que la prière elle-même a un effet apaisant : elle permet de se rappeler la bienveillance de Dieu qui donne la vie et qui a régulièrement secouru les ancêtres. Quoi qu’il en soit, le psalmiste anticipe déjà sa guérison. Il se voit au milieu de l’assemblée, réinséré dans sa communauté, partageant un sacrifice d’action de grâce avec ceux qui cherchent comme lui le Seigneur et qui s’associent à sa louange au lieu de l’accabler de leur mépris. Il va jusqu’à croire que sa délivrance sera publicisée aux quatre coins du monde pendant plusieurs générations et qu’elle amènera des gens de partout à se tourner vers Dieu.
POUR AUJOURD’HUI
Puisque le psalmiste pense que sa délivrance aura pareil retentissement, certains commentateurs pensent qu’il doit s’agir d’un grand personnage, peut-être David ou un autre roi d’Israël, ou encore le fameux « serviteur souffrant » du Livre d’Isaïe (voir en particulier Isaïe 52, 13 – 53, 12). Mais il peut aussi s’agir d’un fidèle « ordinaire », d’un pauvre qui cherche Dieu en toute sincérité (v. 27). Après tout, le Dieu d’Israël s’est surtout rendu célèbre par son souci du pauvre et de l’opprimé.
La tradition chrétienne a identifié sans hésitation ce pauvre à Jésus. Des évangélistes lui mettent ce psaume en bouche lorsqu’il est en croix. Abandonné des siens et méprisé par les foules, Jésus va au bout de la souffrance, jusqu’à ce sentiment d’absence de Dieu au moment le plus critique de sa vie. Pourtant, comme le psalmiste, Jésus crie vers Dieu et garde espoir en lui malgré le mystère de cette absence. Pour la foi chrétienne, sa prière n’est pas vaine. La foi en la résurrection de Jésus, la foi en la victoire de la vie sur la souffrance et sur la mort, est rappelée partout où des chrétiens se réunissent, en mémoire de lui, pour célébrer le repas eucharistique. Elle est devenue un point de ralliement et une source d’espérance pour les pauvres de la terre qui, génération après génération, cherchent Dieu.
(N.B. titre et paragraphe en italique ci-dessous centrés sur toute la page)
PSAUME 21
Nous vous proposons un aménagement du psaume s’articulant autour de la question que plusieurs se posent en lisant ou en écoutant les récits de la passion ou en voyant la souffrance actuelle du monde : mais où donc est Dieu ? Cet aménagement, qui peut être utilisé comme temps de prière ou de réflexion, fait appel à un lecteur ou une lectrice, un psalmiste et à l’assemblée, divisée en deux chœurs.
Lecteur ou lectrice :
Dressée, tendue vers le ciel,
la croix offrait l’homme
et l’homme s’offrait à Dieu.
Mais où donc était Dieu ?
Psalmiste :
2 Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m’as-tu abandonné ?
Le salut est loin de moi,
loin des mots que je rugis.
3 Mon Dieu, j’appelle tout le jour,
et tu ne réponds pas ;
même la nuit,
je n’ai pas de repos.
Lecteur ou lectrice :
Dressé, tendu vers Dieu,
l’homme offrait sa foi
et, dans sa foi, il tenait bon malgré tout.
Mais où donc était Dieu, le Très Saint ?
Psalmiste :
4 Toi, pourtant, tu es saint,
toi qui habites les hymnes d’Israël !
5 C’est en toi que nos pères espéraient,
ils espéraient et tu les délivrais.
6 Quand ils criaient vers toi, ils échappaient ;
en toi ils espéraient et n’étaient pas déçus.
Lecteur ou lectrice :
Dressé, tendu vers la rencontre,
l’homme offrait sa solitude
et, dans sa solitude, il cherchait la présence.
Mais où donc était Dieu, le Tout Proche ?
Psalmiste :
7 Et moi, je suis un ver, pas un homme,
raillé par les gens, rejeté par le peuple.
8 Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
9 « Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »
Lecteur ou lectrice :
Dressé, tendu vers la renaissance,
l’homme offrait son combat
et, dans son combat, il aspirait à la vie.
Mais où donc était Dieu, le Créateur ?
Psalmiste :
10 C’est toi qui m’as tiré du ventre de ma mère,
qui m’a mis en sûreté entre ses bras.
11 À toi je fus confié dès ma naissance ;
dès le ventre de ma mère, tu es mon Dieu.
12 Ne sois pas loin : l’angoisse est proche,
je n’ai personne pour m’aider.
Lecteur ou lectrice :
Dressé, tendu vers la liberté,
l’homme offrait sa détresse
et, dans sa détresse, il quêtait un peu de compassion.
Mais où donc était Dieu, le Tout-Puissant ?
Psalmiste :
13 Des fauves nombreux me cernent,
des taureaux de Basan m’encerclent.
14 Des lions qui déchirent et rugissent
ouvrent leur gueule contre moi.
15 Je suis comme l’eau qui se répand,
tous mes membres se disloquent.
Mon cœur est comme la cire,
il fond au milieu de mes entrailles.
16 Ma vigueur a séché comme l’argile,
ma langue colle à mon palais.
Tu me mènes à la poussière de la mort.
17 Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
18 je peux compter tous mes os.
Ces gens me voient, ils me regardent.
19 Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
20 Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !
21 Préserve ma vie de l’épée,
arrache-moi aux griffes du chien ;
22 sauve-moi de la gueule du lion
et de la corne des buffles.
Lecteur ou lectrice :
Dressé, tendu vers le salut,
l’homme offrait sa confiance
et, dans sa confiance, il n’a pas été déçu.
Dieu le Vivant était au rendez-vous.
Psalmiste :
Tu m’as répondu !
23 Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Premier chœur de l’assemblée :
24 Vous qui le craignez, louez le Seigneur,
glorifiez-le, vous tous, descendants de Jacob,
vous tous, redoutez-le, descendants d’Israël.
Deuxième chœur de l’assemblée :
25 Car il n’a pas rejeté,
il n’a pas réprouvé le malheureux dans sa misère ;
il ne s’est pas voilé la face devant lui,
mais il entend sa plainte.
Psalmiste :
26 Tu seras ma louange dans la grande assemblée ;
devant ceux qui te craignent,
je tiendrai mes promesses.
Premier chœur de l’assemblée :
27 Les pauvres mangeront : ils seront rassasiés ;
ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent :
« À vous, toujours, la vie et la joie ! »
Deuxième chœur de l’assemblée :
28 La terre entière se souviendra
et reviendra vers le Seigneur,
chaque famille de nations se prosternera devant lui :
29 « Oui, au Seigneur la royauté,
le pouvoir sur les nations ! »
Premier chœur de l’assemblée :
30 Tous ceux qui festoyaient s’inclinent ;
promis à la mort, ils plient en sa présence.
Psalmiste :
31 Et moi, je vis pour lui :
ma descendance le servira ;
on annoncera le Seigneur
aux générations à venir.
Les deux chœurs :
32 On proclamera sa justice au peuple qui va naître :
Voilà son œuvre !