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Moyen-Orient : protéger les chrétiens “avant qu’il ne soit trop tard”

Imprimer Par Mgr Bernardito Auza |

Intervention du Saint-Siège à la tribune de l’ONU

Rome,    (Zenit.org)

Bernardito-AuzaLe Saint-Siège appelle la communauté internationale « à agir avant qu’il ne soit trop tard », pour protéger les chrétiens du Moyen-Orient, « berceau de la chrétienté » : les communautés chrétiennes, menacées d’extinction, « font partie intégrante de la marque religieuse, historique et culturelle de la région », rappelle-t-il en soulignant que « leur disparition serait non seulement une tragédie religieuse mais une perte du riche patrimoine culturel et religieux » du Moyen-Orient.

Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège aux Nations-Unies à New-York, est intervenu lors du débat sur « Les victimes d’attaques et de violences pour des raisons ethniques ou religieuses au Moyen-Orient », le 27 mars 2015, devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

« L’heure est grave », a souligné archevêque : « Des communautés ethniques et religieuses font face à des pressions extrêmes : violations des droits humains, torture, meurtre et toutes les formes de persécution, uniquement pour la foi qu’ils professent ou pour le groupe ethnique auquel ils appartiennent. »

Il a exhorté la communauté internationale à « faire tout ce qui est en son pouvoir pour arrêter et prévenir toute nouvelle violence systématique contre des minorités ethniques et religieuses » et à « aider les pays voisins à prendre soin des réfugiés et à les accueillir ».

« Toute action retardée signifiera seulement qu’il y aura davantage de morts, de personnes déplacées ou persécutées », a-t-il insisté en appelant de ses vœux « un Moyen-Orient qui continue d’être un foyer accueillant pour tous ses groupes ethniques et religieux ».

A.K.

Intervention de Mgr Auza

Monsieur le président,

Avant tout, le Saint-Siège désire exprimer sa sincère gratitude à votre présidence pour avoir convoqué le débat ouvert de ce jour sur « les victimes d’attaques et de violences pour des raisons ethniques ou religieuses au Moyen-Orient ». Ce débat n’est pas seulement opportun, il est de la plus grande urgence, en particulier quand nous évoquons ceux qui ont déjà perdu la vie et pour qui ce débat ouvert arrive trop tard. Leur sort nous exhorte à faire tout ce que nous pouvons pour éviter de nouvelles victimes d’attaques et de violences pour des raisons ethniques et/ou religieuses. Les chrétiens et les autres minorités religieuses du Moyen-Orient cherchent à faire entendre leur voix auprès de ce Conseil et d’autres instances internationales, non pas sous une forme abstraite mais d’une manière qui soit vraiment consciente de leur douleur et de leur souffrance, ainsi que de leur crainte existentielle concernant leur survie au Moyen-Orient et au-delà.

Nous devons reconnaître que le problème existe et que l’heure est grave. Des communautés ethniques et religieuses – incluant des communautés turkmène, shabak, yézidie, sabéenne, kaka’e, kurde faylis, arabe chiite et même arabe et kurde sunnite – font face à des pressions extrêmes : violations des droits humains, torture, meurtre et toutes les formes de persécution uniquement pour la foi qu’ils professent ou pour le groupe ethnique auquel ils appartiennent.

Les chrétiens au Moyen-Orient ont été spécifiquement ciblés, tués ou contraints à s’enfuir de chez eux et de leur pays. Nous avons regardé, impuissants, les chrétiens assyriens kidnappés en Irak par le groupe du prétendu « État islamique », les chrétiens coptes égyptiens décapités par les organisations affiliées à daesh en Libye, et la quasi élimination des chrétiens de Mossoul. Il y a à peine 25 ans, presque deux millions de chrétiens vivaient en Irak, tandis que les estimations les plus récentes font état de moins du quart de ce chiffre. Confrontés à la situation insupportable de devoir vivre dans une zone de conflit contrôlée par des organisations terroristes et extrémistes qui les menacent constamment de mort, et avec le sentiment profond de se sentir abandonnés à leur sort par les autorités légitimes et par la communauté internationale, des communautés entières de chrétiens, en particulier du Nord de l’Irak, ont été brutalement forcées à fuir leur foyer et ont cherché refuge dans la région du Kurdistan irakien et dans les pays limitrophes de la région.

Le Saint-Siège exprime sa profonde gratitude aux pays et aux gouvernants dans la région qui ont défendu ouvertement les chrétiens comme faisant partie intégrante de la marque religieuse, historique et culturelle de la région. Depuis 2.000 ans, les chrétiens ont considéré qu’ils étaient chez eux au Moyen-Orient ; en effet, nous le savons tous, le Moyen-Orient est le berceau de la chrétienté. Cela nous peine donc d’autant plus profondément que ces anciennes communautés chrétiennes dans la région – dont beaucoup parlent encore l’araméen, la langue de Jésus-Christ – comptent parmi celles qui sont menacées d’extinction. Leur existence ininterrompue dans la région est le témoin de bien des siècles de coexistence, côte à côte, avec des musulmans et avec d’autres communautés religieuses et ethniques. Ces communautés font partie intégrante de l’identité religieuse culturelle du Moyen-Orient et leur disparition du Moyen-Orient serait non seulement une tragédie religieuse mais une perte du riche patrimoine culturel et religieux qui contribue tant aux sociétés auxquelles elles appartiennent, et que le monde entier a tout intérêt à conserver. Le Saint-Siège appelle donc tous les gouvernants et toutes les personnes de bonne volonté, dans la région et à travers le monde, à agir avant qu’il ne soit trop tard.

En 2005, au Sommet mondial des Nations Unies, la communauté internationale tout entière avait été d’accord sur le fait que chaque État a pour première responsabilité de protéger ses populations du génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et du nettoyage ethnique, ainsi que de l’incitation à ces actions. De plus, la communauté internationale reconnaît sa responsabilité à aider les États à remplir cette responsabilité primordiale.

Toutefois, quand un État est incapable de maintenir cette responsabilité première, ou réticent à le faire, la communauté internationale doit être préparée à agir pour protéger les populations conformément à la Charte des Nations Unies.

Comme l’a souligné le pape Benoît XVI dans son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies en 2008, cette responsabilité de protéger n’est pas une création nouvelle dans le droit international, mais elle est enracinée dans l’ancien « jus gentium » comme fondement de toutes les actions mises en œuvre par les représentants du gouvernement concernant ceux qui sont gouvernés. S’appuyant sur cette ancienne tradition et sur ses récurrences dans le droit humanitaire international et dans les instances des Nations Unies aujourd’hui, le pape François a à maintes reprises réclamé de la communauté internationale « qu’elle fasse tout ce qui est en son pouvoir pour arrêter et prévenir toute nouvelle violence systématique contre des minorités ethniques et religieuses ».

Le Saint-Siège saisit cette occasion pour exprimer sa profonde reconnaissance aux pays de la région et à tous ceux qui travaillent inlassablement, parfois au risque de leur vie, pour apporter leur aide à ces deux millions et demi de personnes déplacées à l’intérieur de l’Irak, aux 12 millions de Syriens qui ont besoin d’aide humanitaire, dont quatre millions sont réfugiés et sept millions et demi déplacés dans le pays. Aidons ces pays voisins à prendre soin des réfugiés et à les accueillir.

Toute action retardée signifiera seulement qu’il y aura davantage de morts, de personnes déplacées ou persécutées. Le pape François nous exhorte tous à unir nos efforts pour soutenir un Moyen-Orient qui continuera d’être un foyer accueillant pour tous ses groupes ethniques et religieux.

Traduction de Constance Roques

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