Auteur : Antoine-Frédéric Ozanam (Milan, 23 avril 1813 – Marseille, 8 septembre 1853) est un universitaire français, fondateur de la Société Saint-Vincent-de-Paul (www.ssvp.fr) qui a pour finalité le service des pauvres au nom de la foi chrétienne : « mettre la foi sous la protection de la charité ». Il a été béatifié par Saint Jean-Paul II le 22 août 1997 à Paris.
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Nous étions alors envahis par un déluge de doctrines philosophiques et hétérodoxes qui s’agitaient autour de nous, et nous approuvions le désir de fortifier notre foi au milieu des assauts que lui livraient les systèmes divers de la fausse science. Quelques-uns de nos jeunes compagnons d’études étaient matérialistes ; quelques-uns saint-simoniens, d’autres fouriéristes ; d’autres encore déistes.
Lorsque nous, catholiques, nous efforcions de rappeler à ces frères égarés les merveilles du christianisme, ils nous disaient tous : vous avez raison, si vous parlez du passé ; le christianisme a fait autrefois des prodiges ; mais aujourd’hui, le christianisme est mort. Et, en effet, vous qui vous vantez d’être catholiques, que faites-vous ? Où sont les œuvres qui démontrent votre foi, et qui peuvent nous la faire respecter et admettre ?
Ils avaient raison, ce reproche n’était que trop mérité. Ce fut alors que nous nous dîmes : “Eh bien, à l’œuvre et que nos actes soient d’accord avec notre foi!” Mais que faire ? Que faire pour être vraiment catholiques, sinon ce qui plaît le plus à Dieu ? Secourons notre prochain comme le faisait Jésus-Christ, et mettons notre foi sous la protection de la charité.
Ce n’est qu’à la condition de croire que l’homme peut arriver à aimer. En effet, l’homme n’aime que ce qu’il croit ; il n’aime pas ce qu’il comprend, il n’aime qu’à la condition de ne pas comprendre ; ce qui se laisse voir jusqu’au fond, ce qui se voit comme une vérité mathématique inspire peu d’amour au cœur. Qui a jamais été épris d’un axiome, d’une vérité qui ne laisse plus rien à chercher ?
Dans l’amour il y a quelque chose de plus puissant que tout le reste : l’inconnu ; rien n’attire l’homme comme le mystère. Au contraire ne nous lassons-nous pas de ce que nous connaissons ? Combien d’hommes illustres, de savants, d’astronomes, après avoir passé une longue vie dans leurs travaux, ont fini par se fatiguer de ce qu’ils savaient et ont fait comme Newton, qui, las de mathématiques, s’efforçait d’expliquer le livre de l’Apocalypse, attiré par ce qu’il ne comprenait pas. Le secret de l’amour, c’est le mystère, et dans l’amour il y a de la foi.