Du fait de leur tempérament, de leur histoire personnelle, les époux les plus aimants et les plus pieux n’ont pas forcément la même façon de prier ou de «ressourcer» leur foi. L’un(e) s’abîme chaque jour dans une adoration muette devant le Saint Sacrement, alors que l’autre, en bon militant, ne peut prier qu’au cœur de l’action. L’un(e) a choisi pour boussole les Exercices spirituels de saint Ignace, alors que l’autre ne jure (si l’on peut dire!) que par la spiritualité du Carmel. L’un(e) s’exalte à la lecture des Confessions de saint Augustin, alors que l’autre en rigole. L’un(e) fait chaque année huit jours de retraite fermée dans une communauté religieuse- perspective qui suffit à donner de l’urticaire à l’autre! La personnalité et les écrits de Jean-Paul II émerveillent l’un(e) et exaspèrent l’autre, etc. Il serait dommage que, par amour, l’un entraîne l’autre à marcher d’un pas et sur des sentiers qui ne lui conviennent pas vraiment- et plus regrettable encore que tous deux se croient obligés de trouver un dénominateur commun qui ne satisfasse les aspirations ni de l’un ni de l’autre!
Au risque de paraître finasser, nous aimerions dire que, spirituellement, les conjoints doivent avancer vers Dieu de conserve et non de concert. Les deux expressions qui se prononcent presque de la même façon sont souvent confondues, mais à tort. De conserve est un terme de marine qui indique la façon dont deux navires font route à peu de distance l’un de l’autre, de façon qu’ils puissent, le cas échéant, se porter mutuellement secours (se conserver en état de marche). Avancer de concert dit davantage : cela implique une sorte d’accord parfait entre les partenaires. […]
Il est sûrement admirable que des époux chrétiens puissent prier ensemble quotidiennement, nourrir leur vie spirituelle des mêmes lectures ou des mêmes moyens de formation (retraite, «école de prière», etc.). Et plus admirable encore que leurs enfants se joignent spontanément à eux dans certaines de leurs activités. Cette vie spirituelle menée de concert suppose que les conjoints en soient tous deux au même degré dans leur recherche (tous deux débutants ou tous deux chercheurs de Dieu confirmés), qu’ils aient le même type de personnalité (plutôt contemplatifs ou plutôt actifs..) et les mêmes besoins au même moment.
Cependant, notre expérience personnelle comme celle des couples amis avec qui nous avons pu en parler nous incite à penser que toutes ces conditions sont rarement réunies. Mais cela ne doit pas servir d’alibi pour ne rien faire! La plupart des époux chrétiens sont invités à avancer de conserve dans la vie spirituelle, chacun s’efforçant de construire sa relation à Dieu de la manière qui correspond le mieux à ce qu’il est. L’aide et l’assistance mutuelle viendront évidemment de ce que l’un des conjoints prie pour l’autre, mais aussi de ce que, dans le couple, on n’hésite pas à se parler de ses recherches, de ses joies et de ses inquiétudes en ce domaine.