1 – Du maître de chant. Psaume. De David. Cantique.
2 – A toi la louange est due,
ô Dieu, dans Sion;
que pour toi le vœu soit acquitté:
3 – tu écoutes la prière.
Jusqu’à toi vient toute chair
4 – avec ses œuvres de péché;
nos fautes sont plus fortes que nous,
mais toi tu les effaces.
5 – Heureux ton élu, ton familier,
il demeure en tes parvis.
Rassasions-nous des biens de ta maison,
des choses saintes de ton Temple.
6 – Tu nous réponds en prodiges de justice
Dieu de notre salut,
espoir des extrémités de la terre
et des îles lointaines;
7 – toi qui maintiens les montagnes par ta force,
qui te ceint de puissance,
8 – qui apaise le vacarme des mers,
le fracas de leurs flots,
et la rumeur des peuples.
9 – Les habitants des bouts du monde
sont pris de crainte à la vue de tes signes;
aux portes du levant et du couchant
tu leur fais pousser des acclamations.
10 – Tu visites la terre et tu la fais regorger
tu la combles de richesses.
Le ruisseau de Dieu est rempli d’eau,
tu prépares les épis.
Ainsi tu la prépares:
11 – arrosant ses sillons, aplanissant ses mottes,
tu la détrempes d’averses, tu bénis son germe.
12 – Tu couronnes une année de bienfaits,
sur ton passage la graisse ruisselle;
13 – ils ruissellent les pacages du désert,
les collines sont bordées d’allégresse;
14 – les prairies se revêtent de troupeaux,
les vallées se drapent de froment,
On clame, on chante des hymnes !
© Les Éditions du Cerf 1997
Présentation
Ce psaume d’action de grâces, d’origine assez ancienne, est une prière que le croyant juif récite comme hymne de bénédiction.
Il invite à acclamer (v. 2, 9 et 14) les œuvres merveilleuses accomplies par Dieu pour notre humanité. Il est suivi d’un autre hymne d’action de grâces, le Ps 66(65), qui commence comme finit le Ps 65(64).
Il me semble utile de rappeler ici ce que note un document issu de la Commission Biblique Pontificale, Quels critères pour discerner ? Racines, (Nouvelle Cité, Bruyères-le-Chatel 2009, p. 35-36): Si “le Psautier s’intéresse aussi aux thèmes inévitables de l’existence humaine dans un monde de mystère, d’incertitude et de menace“, pourtant “les psalmistes gardent confiance en un Créateur bienveillant qui continuellement prend soin de ses créatures. Cela suscite un hymne de louange et d’action de grâce incessant : ‘Louez le Seigneur car il est bon, car éternel est son amour.’ (Ps 136,1). »
Notons que le psalmiste parle d’abord à Dieu de ses bienfaits pour la terre et son peuple.
Le vocabulaire hymnique est fort riche en rimes ou assonances, centré sur la récurrence d’ۥĕlōhîm le nom de Dieu aux v. 2b, 6b et 10c et la récurrence du substantif “biens/bienfaits” qui émane d’abord du Temple et ensuite des saisons de la nature.
Dans sa tradition hébraïque, le psaume 65(64) se présente comme un chant de reconnaissance de l’homme et de la nature (v.14c) pour une fin d’hiver ou un printemps arrosé de pluie abondante. C’est le premier mois de l’année, le mois de nisan. Rien ne dit que c’est une sécheresse, mais ce peut bien être la crainte de celle-ci. Et en contraste la joie de la moisson.
Le prophète Isaïe en Is 9,2 notait déjà la réjouissance devant Dieu de la joie des moissons.
Structure
Remarquons – après le titre du psaume (v. 1) qui s’inscrit dans la collection des psaumes « davidiques » (51-72) – la finale des versets 5, 9 et 14 en tant que réponse : alors on découvre aisément une structure du psaume en trois parties : v. 2-5; 6-9 et 10-14.
La première partie nous place dans le cadre cultuel de « Sion » (2b), avec ses parvis dans la maison de Dieu (5bc). Ceci indique Jérusalem et son Temple (5d).
La partie centrale nous indique « la terre » (dans son extension maximale en 6c ou sa proximité en 10a) et les îles (mers éloignées, qui symbolisent les païens en 6d) ainsi que des « portes » qui représentent les pays les plus lointains (v. 9c ; cf. Is 17,12-13); les montagnes (symbole d’élévation spirituelle en 7a) et les mers (profondeurs, symboles des eaux souterraines, dangereuses en 8a) ou alors les eaux supérieures en 10c.11b). Tout l’univers est concerné. La « justice » de Dieu c’est le bien qu’Il fait en tant que Créateur (cf. Ps 103(102),6; Jg 5,11; Is 42,10).
La dernière partie dit la « visitation » de Dieu à la terre et « les rivières de Dieu » c’est-à-dire la pluie en tant que bénédiction et fécondité pour elle. C’est en effet, fréquemment, ce qui se passe en Terre sainte à la fin de l’hiver, pour les champs autant que pour les collines (10-11;13b); pour le désert autant que pour les prairies (13a;14a) : tout fleurit et est embelli, porte du fruit (cf. Lv 26,3-4; Is 30,23.25).
Un parallèle au blé des plaines (v.12.14) se trouve dans le Ps 126(125),5-6 pour les gerbes rapportées en chantant, après les labeurs du temps des semences.
Relecture chrétienne
Notre psaume montre que le peuple de Dieu est appelé à être témoin devant les peuples et nations de l’immense bonté du Créateur et les invite sans distinction à Lui rendre grâce. Dans la parabole du semeur, Jésus voit la production du fruit donner 30, 60, 100 pour un ! (cf. Mt 13,8). Plus encore, il appelle ses disciples à « lever les yeux sur les champs à moissonner, pour amasser du grain pour la vie éternelle » (cf. Jn 4,35-38).
Un chrétien qui dit “merci” pour la germination du sol avec le bienfait de la pluie en terre aride remarque que la terre est une œuvre d’art unique et se rend compte de la providence divine. En même temps il est conscient de sa responsabilité dans l’écosystème de la planète et des blessures ou fautes commises par lui dans la gestion de la terre. Il ne faudrait pas que la terre sainte soit desséchée par le péché ou par son exploitation outrancière. Que notre humanité ne perde donc pas sa conscience et le respect de la diversité des espèces et des saisons. Pas plus que son admiration devant les fruits spirituels de l’œcuménisme en église et de la conversion des cœurs.
Le v. 8 du psaume – calmant les flots – est mis en œuvre par Jésus dans la barque agitée sur la mer (Mt 8,26 // Mc 4,39 // Lc 8,24), suscitant crainte et admiration des disciples (Lc 8,25).
Les acclamations du v. 9 du psaume se retrouvent dans « la louange de toute la foule des disciples » lors de l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem en Lc 19,37.
Dans la liturgie
Le Psaume 65(64) est une prière pour le temps des semailles; donc pour toute occasion qui met l’espérance en Dieu, qui est notre unique sauveur.
Plus précisément, le Ps 65(64) est utilisé, tant dans la prière des heures que dans les célébrations de la Parole au cours des Eucharisties. Il est ainsi proposé en entier à la prière du matin du mardi de la 2e semaine (v. 2-14) – en omettant le premier verset. À la messe, les versets 10-13 sont chantés le jeudi de la 10e semaine du temps ordinaire et les versets 10-14 le 15e Dimanche de l’année A, en associant la comparaison de la Parole de Dieu avec la pluie et la neige (Is 55,10-11), ainsi que la parabole du semeur (Mt 13,1-23).
Gardons à cœur de nous unir à cette bénédiction pour tous les bienfaits divins et avant tout pour la Parole de Dieu qui féconde la terre, et donc pour le Christ Jésus venu nous visiter, nous sanctifier !
Il s’agit en effet de faire de notre vie une terre fertile qui produise des fruits de justice et nous donne d’augmenter la charité pour le bien de tous nos frères et sœurs en humanité.
Christian Eeckhout, o.p. – Jérusalem