Au mois de février, la liturgie commence avec une fête bien particulière : la Présentation de Jésus au temple, une fête de la lumière. La tradition propose même de bénir Dieu en faisant une procession avec des cierges allumés. À cause de ces chandelles, on appelle cette fête : la Chandeleur.
Et un dicton circule parmi les anciens : «À la Chandeleur, la neige est à sa hauteur». À partir du début de février, la neige commence à se tasser et les bancs de neige diminuent.
Devant la lecture évangélique de cette fête, je transformerais le dicton en disant : «À la Chandeleur, l’histoire du monde est à sa hauteur». À la Chandeleur, la rencontre entre Dieu et l’humanité est à sa hauteur. Elle est à son sommet, et pour toujours.
Dieu apparaît dans un petit enfant, le fils de Marie. L’humanité est présentée sous les traits de deux vieillards : Syméon et Anne.
Dieu est en train de naître. L’homme et la femme se trouvent sur leur déclin et vont mourir.
Dieu, l’éternel, l’être qui dure depuis toujours, manifeste la nouveauté, le commencement, le point de départ. L’homme et la femme, ces êtres temporels, éphémères et fragiles, nous les voyons rassasiés de jours, chargés d’années, comme s’ils existaient depuis des siècles.
Les vieillards deviennent des prophètes, des personnages que la Bible présente habituellement pleins de fougue, énergiques, audacieux, sans nuance, intolérants et entreprenants, les yeux tournés vers l’avenir. Ici, des vieillards remplissent ce rôle que nous réservons plutôt aux jeunes.
De son côté, l’enfant est présenté au temple, dans un rite que la Loi demande, que la tradition exige. L’enfant s’enracine dans le passé. Il s’inscrit dans une longue et vieille histoire. C’est lui qui incarne la sagesse qu’on voit d’ordinaire chez les anciens.
Ce tableau n’a rien de nostalgique comme si les vieillards regrettaient leur jeunesse et cachaient leurs rides en jouant aux jeunes. L’enfant ne saute pas les étapes pour faire l’homme mûr.
Cette page d’Évangile est vraie. Elle proclame une vérité à savoir que Dieu change la trajectoire du monde. Il libère l’humanité de son absurdité. Il propose un chemin de lumière, à l’envers de la nuit des temps.
Même le temple est touché par l’incarnation du Christ. On croyait ce lieu établi pour toujours, comme un roc solide, une forteresse de la puissance divine. Il se révélera n’être qu’une étape, un poste de relais. L’enfant deviendra lui aussi un temple, un lieu de rencontre de Dieu, à la place de l’autre sanctuaire. Blotti aujourd’hui dans les bras du vieux prophète, l’enfant se retrouvera plus tard sur les bras de la croix. il mourra pour vivre. De la vieillesse du monde germera la jeunesse de Dieu.
Notre existence est un paradoxe. La vie et la mort s’entrecroisent. Dieu nous attend à la croisée de leurs chemins. En reprenant dans la liturgie les gestes de la mort et de la résurrection de Jésus, nous exprimons toute la grandeur de cette rencontre et la lumière qui s’en dégage pour nous.