Nous venons à peine de commencer l’année que de nouveaux événements se bousculent avec force dans nos vies et sollicitent notre attention : incidents tragiques, phénomènes météorologiques destructeurs, activités politiques inédites, exploits sportifs, décès de personnages marquants pour notre siècle, scandales de toutes sortes, etc. Il en résulte pour nous une distraction constante, alors que nous sommes pris dans une suite d’informations qui, tel un flot continu, nous emportent vers la nouveauté et nous empêchent de prendre pied et de réfléchir à la direction que nous voulons donner à nos vies, à nos sociétés. Choisirons-nous de nous laisser emporter par le courant ou bien allons-nous nous arrêter pour poser les balises appropriées et adopter de nouvelles attitudes devant la vie ? Sommes-nous prêts à changer nos regards et nos approches sur les réalités quotidiennes de façon à infléchir le cours des évènements, du moins pour ce qui est à notre portée et qui nous concerne ?
Confrontés aux bulletins ininterrompus de nouvelles, nous en parlons avec bien du monde, nous en discutons, et nous profitons de commentaires et d’expertises souvent fort intéressants, mais sans aller au bout de nos réflexions et donc sans pouvoir produire quelques changements significatifs.
Si nous appliquons ces observations à notre vivre en Église, nous nous rendons compte qu’il y survient aussi des faits et des événements qui nous bousculent et nous tirent dans tous les sens. Cela nous fait voir l’intérêt et la nécessité d’un temps d’arrêt qui nous permettrait d’en arriver à des jugements plus nuancés et à mieux mettre en perspective les divers enjeux des situations concernées. Qui sait si nous n’aurions pas alors l’idée et la capacité d’intervenir pour modifier ensemble certaines situations ?
Nous sommes tous à même de constater l’immense valeur de la fidélité de tant de croyants et de croyantes à l’Évangile du Christ, une fidélité vécue parfois dans des contextes fort difficiles. Nous reconnaissons que l’expérience chrétienne dans le monde est digne du plus grand respect et qu’elle témoigne d’une présence formidable de l’Esprit. Mais il reste que les défis actuels sont nombreux et méritent qu’on s’y attarde. Parmi ceux qui nous sollicitent davantage, nous pourrions citer : les lieux physiques du culte, reflets d’une autre époque, souvent mal adaptés pour l’assemblée chrétienne; les églises vides, en grands besoins financiers; le peu de prêtres par opposition à la grandeur des territoires pastoraux à desservir; le pouvoir décisionnel réservé aux hommes; le célibat imposé aux prêtres; les problèmes de pédophilie; la lourdeur des structures de l’Église; l’attitude condescendante et autoritaire du discours ecclésial, souvent dogmatique, en contraste avec la pratique pastorale effective, etc.
Certains se sentent impuissants devant d’aussi lourdes tendances. D’autres croient que la société rejette d’emblée ces malaises et ces problèmes, la foi n’étant plus quelque chose de significatif pour bien des gens. Il nous semble pourtant que ce qui se vit présentement n’est pas que mauvais ou négatif. Il y a du bon dans ce qui nous arrive; ou du moins, nos prises de conscience et nos questionnements sont importants et nécessaires. Quelque chose d’autre se prépare, qui peut-être est déjà là en partie, mais qu’il nous faut voir venir. Peut-être est-il urgent de changer notre regard pour mieux discerner les appels ou les signaux que le Seigneur nous fait à travers ces situations inconfortables et parfois même douloureuses ?
C’est un fait que l’Église n’a plus bonne presse dans l’opinion publique; cela d’ailleurs n’est pas nouveau. Cependant, plus que jamais, elle a besoin de vérité, de lumière et d’audace, pour dire l’intelligence croyante dans le monde d’aujourd’hui et lui présenter d’elle-même une image cohérente avec sa foi et les valeurs de l’Évangile.
Se pourrait-il que la venue du pape François annonce un vent de Pentecôte qui soit soudainement une irruption plus marquée du divin dans notre monde ? Nous en aurions bien besoin ! En ces temps troublés, il faut nous rappeler que nous ne sommes pas seuls. Le Christ ne peut abandonner son Église. Cela ne signifie pas que nous devons rester passifs devant la situation présente, mais au contraire qu’il faut nous employer à produire les changements nécessaires. Une Église sclérosée est une Église qui se meurt; à l’inverse, le changement est un processus qui suscite la vie. Si, tout en restant sous la mouvance de l’Esprit, nous nous mettons à l’écoute des besoins de l’Église qui est le Corps de Christ, nous pouvons nous sentir rassurés et confiants de trouver des solutions pour le présent et l’avenir, cet avenir que tous ensemble nous bâtissons dans le présent.
Anne Saulnier et Jacques Marcotte, OP
En collaboration
Québec