Le grand Nelson Mandela est mort, à l’âge de 95 ans, le jeudi 5 décembre 2013. L’hommage universel qui lui a été rendu témoigne d’un deuil qui dépassait largement les frontières de l’Afrique du Sud, où se déroulèrent les funérailles nationales du 15 décembre. Le quotidien français La Croix, qui publiait à cette occasion un cahier spécial, a résumé par un très beau titre la vie exemplaire de Mandela: Le destin d’un juste.
Baptisé dans l’Église méthodiste, on a dit de Mandela qu’il fut « un chrétien discret ». Sans doute faut-il comprendre par là que c’était quelqu’un qui prêcha d’abord par l’exemple, et s’il faut retenir une période de sa vie où cet aspect ressort avec une évidence particulière, c’est peut-être celle des 27 ans qu’il a passés en prison. Quand on y pense, on se demande bien comment il a pu tenir bon. La première réponse qui vient à l’esprit est simplement: parce que sa cause était juste. Mais peut-être aussi, à considérer les choses d’un autre point de vue: parce qu’il fut touché par la grâce et visité dans sa prison.
Le journaliste de La Croix Laurent Larcher observe que parmi ceux qui chantent les louanges de Nelson Mandela, rares sont ceux qui évoquent sa foi, une dimension souvent gommée au profit de son humanisme. Il est vrai qu’issu de l’Église méthodiste, Mandela lui-même évitait d’en faire état en plublique. À bien l’écouter, cependant, on constate que cette dimension a été centrale dans sa vie. En effet, et sans vouloir leur donner une plus grande signification qu’ils eurent réellement, certains propos de Mandela interpellent.
On apprend ainsi qu’en 1977, emprisonné à Robben Island, il assiste à tous les services et apprécie certains sermons. Dans sa correspondance, il affirmera plus tard qu’il n’a jamais abandonné ses croyances chrétiennes; il évoque alors son rapport personnel à l’Eucharistie: «Partager le sacrement qui fait partie de la tradition de mon Église était important à mes yeux. Cela me procurait l’apaisement et le calme intérieur.»
Certes, sa conception du religieux évoluera vers une plus grande réserve. En 1994, il en arrive à dire: «Je ne suis pas particulièrement religieux ou spirituel. Disons que je m’intéresse à toutes les tentatives faites pour découvrir le sens de la vie. La religion relève de cet exercice.» Mais cette réserve ne l’empêchera pas d’assigner un rôle important aux religions dans la société. En 1997, il adresse aux religions cette feuille de route à dominante sociologique: «Nous avons besoin que les institutions religieuses continuent d’être la conscience de la société, le gardien de la morale et des intérêts des faibles et des opprimés. Nous avons besoin que les organisations religieuses participent à la société civile mobilisée pour la justice et la protection des droits de l’homme.» Le passé n’est d’ailleurs jamais renié chez Nelson Mandela, au contraire. Formé dans les écoles wesleyennes, Mandela pensait encore en 1995 visiblement le plus grand bien de cette expérience et de son appartenance à l’Église méthodiste: «Je ne saurais trop insister sur le rôle que l’Église méthodiste a joué dans ma vie.» Et il déclare devant le parlement mondial des religions réuni en 1999: «Sans l’Église, sans les institutions religieuses, je ne serais pas là aujourd’hui.»
Comme le souligne son ami Emmanuel Lafont, l’évêque actuel de Cayenne, qui fut prêtre fidei donum à Soweto dans le diocèse de Johannesburg de 1983 à 1996: «Très pudique, Mandela s’exprima peu sur sa foi méthodiste. Mais il manifesta toujours une gratitude élogieuse pour la place prise par les clercs, en premier lieu Mgr Desmond Tutu, et beaucoup de prêtres, religieux et laïcs engagés dans la lutte contre l’apartheid. En toutes choses, il était un homme de gratitude et de reconnaissance.» Et Mgr Lafont conclut ainsi son témoignage: « Grand, car authentiquement humain, il restera pour l’Afrique certainement le géant du XXe siècle, et l’un des quatre ou cinq pour l’univers, sans aucun doute.»
Merci monsieur Mandela, et reposez en paix!