Venez et voyez !
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 11,2-11.
Jean le Baptiste, dans sa prison, avait appris ce que faisait le Christ. Il lui envoya demander par ses disciples :
« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
Jésus leur répondit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez :
Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.
Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! »
Tandis que les envoyés de Jean se retiraient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés voir au désert ? un roseau agité par le vent ?. . .
Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme aux vêtements luxueux ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois.
Qu’êtes-vous donc allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète.
C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour qu’il prépare le chemin devant toi.
Amen, je vous le dis : Parmi les hommes, il n’en a pas existé de plus grand que Jean Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.
COMMENTAIRE
Voilà une page d’Évangile fort émouvante. Son message est important en ces temps où la quête du sens préoccupe bien des gens.
Jean le Baptiste est en prison. Il a les pieds entravés peut-être. À l’époque, comme toujours, on ne faisait pas dans la dentelle avec les prisonniers. On peut imaginer les pires conditions pour cette détention répressive et préventive de l’homme de Dieu. Plus près de nous le charismatique Nelson Mandela, l’opposante birmane Aung San Suu Kyi, ou encore le prix Nobel de la paix 2010 Liu Xiaobo nous en ont su quelque chose. Pour Jean, c’était la nuit, comme dans certaines situations que nous vivons : la solitude, le rejet, l’isolement, le découragement peut-être. De quoi remettre en question bien des choses dans son esprit et dans son coeur.
Le prophète Jean dans sa prison avait tout son temps pour réfléchir. Il s’interrogeait sur sa mission, sur le rôle qu’il jouait jadis et sur le message qu’il a prêché en bordure du désert de Judée. Ce Jésus de Nazareth est-il bien celui que nous attendions? Était-ce bien lui qui devait venir? Fallait-il en attendre un autre? Il nous arrive, à nous aussi, de trouver que les choses n’avancent pas vite, dans notre vie personnelle, chez les autres, dans notre monde. Nous prenons part à l’hésitation générale, à la perplexité ambiante. Il nous semble que Dieu n’agit pas. Qu’il n’est pas là. Que fait le Christ ?
Jésus accueille la question des envoyés de Jean et il s’empresse de leur répondre. La réponse du Seigneur nous concerne. Elle ne tient pas dans un raisonnement, ni dans une théorie. Elle tient dans l’observation de la réalité. Il suffit d’ouvrir les yeux, de regarder, d’observer que les promesses de Dieu sont en train de s’accomplir. Pour bien voir, il nous faut changer notre regard : pour reconnaître Dieu à l’œuvre et comprendre que sa Parole emprunte des chemins mystérieux, des voies imprévues. Jésus témoigne en sa personne que les promesses de Dieu sont en train de s’accomplir, que non, Dieu ne se dérobe pas à nos attentes. Sa Parole est vivante, elle est là, puissante et efficace. Regardez-en bien les signes : les guérisons, les libérations qui s’opèrent.
Ouvrez l’œil, tendez l’oreille : la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. Mais n’attendez pas la gloire et le triomphe à court terme, ce n’est pas du genre de l’envoyé de Dieu. Regardez plutôt du côté des petits et des pauvres. Celui qui vient s’est fait lui-même le plus petit. Ce plus petit dans le Royaume dont il était question tout à l’heure, c’est lui, le Christ. Avec lui, c’est le plus petit qui est le plus grand. Le Fils de Dieu n’entend pas copier les stratégies de ceux qui veulent dominer, qui écrase les autres pour se montrer les plus forts et les plus grands. Jésus n’entre pas dans ce modèle, au contraire, il prend le parti des pauvres et des petits, jusqu’à se faire lui-même l’un d’eux.
Le Royaume de Dieu commence humblement, comme une graine, comme une semence. Le cultivateur fait confiance au grain jeté en terre pour qu’il produise du fruit en son temps. Ainsi Dieu mise sur l’humilité de son Fils et sur sa patience. Le secret de la joie véritable, il est dans la vie qui jaillit de façon discrète, dans l’humble changement intérieur, dans le mouvement de conversion qui anime les cœurs, dans les gestes sauveurs, dans nos partages, dans notre amour même jusqu’au don de soi.
Accueillons en ce temps de l’Avent celui qui se fait proche et petit sous le signe du pain partagé, le Christ, si petit jusqu’à mourir sur la croix, mais si grand depuis Pâques, devenu Seigneur des seigneurs par l’œuvre du Père qui, en son nom, rassemble tous les humbles de la terre pour les sanctifier et les glorifier avec lui.