Au nom d’Allah, des kamikazes se font sauter au coin des rues pour détruire les hérétiques et autres ennemis de Dieu. Des imans vocifèrent dans certaines mosquées contre l’Occident pervers. Ils essaient de convaincre leurs fidèles de prendre les armes et d’éliminer tout ce qui n’est pas musulman.
Aux Indes, on brûle des églises chrétiennes pour faire disparaître les disciples de Jésus Christ, qu’on prend pour des imposteurs.
Persécutés en certains endroits, les chrétiens ne sont pas pour autant innocents et purs de tout péché. ہ l’époque de l’Inquisition, l’intolérance les a conduits vers une violence acharnée contre ceux qui ne partageaient pas la pensée officielle. La pitoyable Nuit de la Saint -Barthélemy fait partie des événements honteux qui parsèment l’histoire du christianisme et de toute l’humanité. Des sectes intransigeantes terrorisent leurs adeptes et les conduisent parfois au suicide collectif. Plusieurs pays qui pratiquent la torture confessent officiellement leur appartenance à l’Église du Christ ou, du moins, sont de culture chrétienne.
La religion et la violence font parfois bon ménage. Parfois. Trop souvent, disent certains. Toujours, affirment d’autres. La recherche de Dieu peut prendre la route du radicalisme. Et le radicalisme peut aussi devenir intransigeance. Pascal écrivait: « On se fait une idole de la vérité même car la vérité hors de la charité n’est pas Dieu et son image est une idole qu’il ne faut point aimer ni adorer. » (Pensées, no 926)
Aussi n’est-on pas surpris d’entendre des discours qui dénoncent la religion comme la source principale des maux de tout temps et de tout lieu. Il faut militer, disent-ils, contre les croyances, toute croyance. Il faut faire disparaître les religions qui ne seraient rien d’autre que des superstitions.
Que des terroristes entretiennent des fréquentations avec la religion, rien d’étonnant là-dedans. « Une communauté religieuse est faite d’êtres humains, au même titre que n’importe quelle autre forme de la vie sociale. Et même si la croyance religieuse éduque les hommes en les ouvrant, par l’esprit, à la vérité de leur destin, les hommes n’en restent pas moins ce qu’ils sont, des êtres de chair et de sang, fragilisés par le sentiment de leur propre faiblesse, mus par la violence de leurs désirs comme de leurs passions et donc toujours prêts à s’affronter à d’autres. » (François Chirpaz, *La violence dans la religion+, dans Chemins de dialogue, Marseilles, 2002)
Cette dure réalité n’excuse pas la haine religieuse. Il faut dénoncer celle-ci sans retenue. Mais faut-il alors aller jusqu’à abolir toute expression religieuse? Ne jette-on pas le bébé avec l’eau du bain en voulant faire disparaître toute trace de religion?
Au sommet même de chaque religion, du moins les grandes, on retrouve une sagesse qui respecte l’être humain et même l’honore. L’islam a placé au faîte l’hospitalité. Il s’inspire du témoignage d’Abraham au chêne de Mambré. Le musulman partage cette valeur avec le juif qui prêche l’unité. Jésus Christ, pour sa part, considère l’amour comme le plus grand commandement qui soit. Sa mort violente, loin de prôner la cruauté, est reçue dans la tradition chrétienne comme une victoire sur la haine. Elle se présente comme un don de celui qui a aimé jusqu’au bout, jusqu’à tout perdre par amour. Le Christ a été avant tout un homme-pour-les-autres.
Les violents qui cherchent un appui dans la religion se trompent de partenaires. Ce qu’ils prennent pour une religion n’est tout au plus qu’un simulacre. Certains font appel à Dieu, à Yahvé ou à Allah pour camoufler leur haine et entraîner des crédules à leur suite.
Le combat contre la violence doit prendre le chemin du dialogue. Il doit avant tout prêcher l’idéal humanitaire qui fait la richesse et l’honneur des grandes religions monothéistes. Idéal humanitaire et par conséquent humanisant, source d’harmonie entre les croyants et tous les humains.
Jésus Christ a dit: « Heureux les doux, ils auront la terre en partage » (Matthieu 5, 4) La vraie douceur est aussi radicale et exigeante que la violence. Elle a le mérite de construire des ponts plutôt que de dresser des murs ou de creuser des fossés. L’amour est la seule révolution digne de l’humanité.
Denis Gagnon, o.p.