En quête de bonheur
Quand Jésus vit la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait :
« Heureux les pauvres de coeur : le Royaume des cieux est à eux !
Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise !
Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés !
Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde !
Heureux les coeurs purs : ils verront Dieu !
Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu !
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés. »
Commentaire :
Le moment est solennel. Jésus, sur la montagne, comme un nouveau Moïse, va énoncer la Loi nouvelle. De quoi parle-t-il d’abord ? Du bonheur ! Car c’est la quête fondamentale qui habite l’être humain ; et les traditions morales et religieuses nous proposent des voies pour le trouver.
Mais le bonheur, comment l’atteindre et le faire demeurer avec nous et en nous? Il passe vite et tant de voix aujourd’hui nous le promettent : essayez notre technique, suivez votre impulsion, procurez-vous tel objet, ….. Le bonheur que nous annoncent ces voix multiples vient surtout de l’extérieur. II peut s’acheter ou se louer, il peut s’acquérir en suivant le mode d’emploi, en pesant sur le bon bouton, ou en sortant sa carte de crédit.
En l’Évangile de Matthieu, Jésus lui aussi nous annonce un bonheur, mais il n’est pas lié à des choses, des sentiments ou des recettes. Il se trouve dans une option à prendre, des attitudes à développer et des actions à accomplir. Jésus propose un chemin de vie. Cette voie n’est ni facile ni complaisante. Elle heurte avec vigueur les normes et modèles de notre culture. C’est un chemin déroutant qui conteste nos réflexes spontanés, mais cette voie est libératrice et conduit à une joie plus durable et profonde.
Les pauvres de coeur : non pas la passivité résignée mais l’ouverture et l’accueil confiant face au mystère d’un Dieu fidèle; le contraire de l’orgueil suffisant qui se croit centre du monde.
Les doux : non pas le caractère timoré et retiré, mais l’audace et la patience de répondre à la violence par la tendresse; le contraire du coeur endurci qui avance en piétinant les autres.
Ceux qui pleurent : non pas la plainte incessante à la moindre difficulté, mais le cœur attentif aux blessures ; le contraire de l’inconscience commode face au malheur.
Les affamés et assoiffés de justice : non pas le fanatisme obsessif, mais le désir profond d’un monde différent, habitable pour tous ; le contraire de l’indifférence amorphe qui renonce à l’espoir.
Les miséricordieux : non pas le sentimentalisme aveugle, mais la compassion active face aux détresses d’autrui; le contraire du mépris insensible et sans pardon.
Les coeurs purs : non pas l’innocence naïve mais la droiture et la cohérence entre l’intérieur et l’extérieur; le contraire de la fausseté et de l’hypocrisie qui secrètent le mensonge.
Les artisans de paix : non pas la tranquillité à tout prix, mais le labeur courageux pour construire la fraternité humaine et pour réconcilier; le contraire de la haine étroite qui s’enferme dans ses refus.
Les persécutés pour la justice : non pas la posture automatique de victime, mais l’engagement risqué pour un monde équitable ; le contraire du conformisme satisfait qui se complaît dans les combines.
Pourquoi s’embarquer sur un tel chemin de justice (quatrième et huitième béatitude) et prendre le risque d’être ridiculisés, et même persécutés? Pour oser cela, il faut entendre l’annonce du Royaume des cieux (mentionné à la première et à la dernière béatitude) et son appel à la conversion du désir, au dépassement. Sentir qu’il vaut la peine et la joie de mettre ce Royaume en priorité dans notre vie. Découvrir que Jésus est fiable et réalise lui-même, jusqu’au bout, ces béatitudes ; elles sont un portrait de Jésus, en même temps que celui de ses disciples. Choisir de marcher à sa suite dans la confiance au Dieu bienveillant qu’il révèle. Et garder vive en soi la quête d’un vrai bonheur, le sien et celui d’autrui, ensemble.