Ai-je la foi ? … Pour annoncer l’évangile au monde de ce temps. Existent-ils encore des espaces de rassemblement, couples, familles, paroisses, et les villes ne sont-elles pas devenues d’immenses ilots sans identités ?
… Pour une nouvelle évangélisation à des hommes sans « durée de Dieu », trop préoccupés de leur avenir financier, politique, économique pour donner du temps à leur âme ?
Suis-je assez « tombé amoureux » de Dieu, de la Parole divine et de l’Église pour partager avec les miens la joie de vivre l’évangile et d’engendrer chez eux un même amour ?
Telle me semble être le questionnement soulevé à la lecture de « Lumen fidei », première encyclique de François, évêque de Rome et pape, publiée le 29 juin en la fête des saints Pierre et Paul, piliers de la foi.
Une première lecture, intéressante ! Une seconde, séduisante ! Enfin convaincante : trouver l’encyclique annotée entre les mains d’un laïc. Les chrétiens devraient lire ce premier texte de François, évêque de Rome, et de Benoît XVI, évêque émérite : « Lumen Fidei » : encyclique écrite à 4 mains, 2 têtes et un seul cœur. Un passage-clé susceptible de nous interpeler : « Dans la mesure où ils s’ouvrent à l’amour d’un cœur sincère et cherchent à reconnaître les signes de Dieu dans les expériences quotidiennes de leur vie, le cycle des saisons, la fécondité de la terre et tout le mouvement du cosmos, les hommes vivent déjà, même sans le savoir, le chemin de la foi. »(35)
« Lumen Fidei », publié au milieu de l’« Année de la foi », reprend certaines intuitions de Benoit XVI, mais demeure pleinement un texte de François par le style et la particularité du contenu. Dans ce texte d‘une soixantaine de pages, un lien inéluctable est constant entre la foi et l’amour. Ce dernier terme y est cité 146 fois: confiance dans le plein amour et son pouvoir efficace, sa capacité de transformer le monde et d’illuminer le temps. (21) Foi et amour demeurent susceptibles d’éclairer l’existence de l’homme. La foi éclaire les relations entre les hommes, naît de l’amour et suit la dynamique de l’amour de Dieu. (50) Naissant de l’amour, la foi se met au service de la justice, du droit et de la paix. (51)
D’une langue souvent ratzingerienne, l’encyclique « Lumen Fidei » complète la trilogie des encycliques sur la charité et l’espérance, écrite par Benoît XVI. « Lumen Fidei » comprend 4 chapitres inextricablement liés les uns aux autres. Dans notre époque où la foi est considérée comme illusion, saut dans le vide et obstacle à la liberté de l’homme, il demeure important de faire confiance et de se confier, humblement et avec courage, à l’amour miséricordieux de Dieu. Telle est la foi : elle naît de la rencontre avec le Dieu vivant qui nous appelle et nous révèle son amour. (4)
Dans la foulée de l’introduction décrivant les objections à la foi considérée comme une lumière illusoire, le premier chapitre, « Nous avons cru en l’amour », refait le chemin ouvert par la foi à tous les croyants, depuis Abraham jusqu’au Christ. La foi y est présentée comme une réponse à la Parole divine qui interpelle personnellement Abraham, un « Toi appelé par son nom » (Gn.12). Dans une culture humaine qui a perdu la perception de la présence concrète de Dieu et de son action dans le monde, la foi s’avère participation à la façon de voir du Christ auquel elle nous unit. « Coire signifie s’en remettre à un amour miséricordieux qui accueille toujours et pardonne, soutient et oriente l’existence, et se montre puissant dans sa capacité de redresser les déformations de notre histoire ». (13)
« Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas », « Si vous ne croyez pas, vous ne pourrez tenir » (Is 7-9), lirions-nous en hébreu. (23) Ce deuxième chapitre demeure le plus révélateur à mon sens. Inspiré de l’apôtre Paul, la foi est présentée comme « intelligence du cœur », elle connaît dans la mesure où elle est liée à l’amour. « Croire dans le cœur ». écrivait l’apôtre Paul. (Rm.10.10) Le cœur, lieu où nous nous ouvrons à la vérité et à l’amour. La foi nous transforme entièrement dans la mesure où elle s’ouvre à l’amour, source de connaissance, expérience originelle de tout homme. (28) Révélation que ce lien entre foi et amour, cœur et esprit !
Sans la vérité, la foi resterait un beau conte. L’homme a besoin de vérité car sans elle il ne survivrait pas et n’avancerait pas. Du à la crise de vérité dans laquelle nous vivons, il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de rappeler la connexion entre foi et vérité. Dans la culture contemporaine, les vérités évoquées sont multiples: vérités technologiques, vérités subjectives, vérités identitaires. Amour et vérité ne peuvent être séparés : « La foi sans la vérité ne sauve pas, ne rend pas sûrs nos pas ». (24)) Cette vérité recherchée nous illumine quand nous sommes touchés par l’amour. « La foi connaît dans la mesure où elle est liée à l’amour, dans la mesure où l’amour même porte une lumière ». Amour et vérité ne peuvent se séparer.
« Je vous transmet ce que j’ai reçu », titre le troisième chapitre. Ouvert à l’amour de Dieu, interpelé par sa voix, nul ne peut garder ce don pour lui. Depuis le Christ, la foi se transmet de personne à personne, comme une flamme s’allume d’une autre flamme. De générations en générations, la transmission de la foi traverse l’axe des temps. Impossible de croire seul. Il nous sera possible de répondre, « Je crois » si seulement nous appartenons à une communion, communauté de personnes qui proclame ensemble « Nous croyons ». Celui qui croit n’est jamais seul, car la foi est un bien de tous, un bien commun qui permet de construire notre société en donnant de l’espoir. La foi ne sépare pas l’homme de la réalité, mais l’aide à comprendre sa signification profonde. Telle est en bref le résumé du quatrième et dernier chapitre : «Dieu prépare pour eux un cité ».
À la messe d’ouverture du chapitre général de l’Ordre de Saint-Augustin, le pape François déclarait, le 28 avril : « Tu nous as faits pour Toi et notre cœur ne se reposera pas tant qu’il ne se repose en Toi » (s. Augustin. Conf. 1.1.1). Quelle inquiétude s. Augustin nous invite-t-il à maintenir vive dans notre vie ? L’inquiétude de la recherche spirituelle, celle de la rencontre avec Dieu ou celle de l‘amour. Et François de clore par ces mots : « Demandons au Seigneur qu’Il garde dans notre cœur l’inquiétude spirituelle de toujours le rechercher, de l’annoncer avec courage et de l’amour envers tout frère et sœur. » Telle sera certes la lumière de la foi dont « Lumen Fidei » nous fera la grâce en cette « Année de la foi ».