La Bible et la liturgie nous ont habitués à donner à Dieu des noms grandioses: le «Tout-Puissant», le «Très-Haut», le «Très-Grand», le «Seigneur»! Et pourtant, l’histoire de la présence de Dieu au sein de l’humanité dit souvent le contraire. Dieu se présente très humble, discret, caché!
Depuis les tout premiers balbutiements de la foi, Dieu se fait connaître dans l’humilité. Il ne s’impose pas. Il ne se rend pas évident. C’est un petit buisson qui brûle. C’est une brise légère. C’est un souffle fragile. C’est une lumière qui souvent vacille.
L’humilité de Dieu s’est exprimée, dans tout son paradoxe, dans un petit enfant, le fils d’une pauvre jeune femme qui a accouché en plein voyage. Le récit dit qu’à sa naissance le bébé eut pour berceau une mangeoire d’animaux. Dieu a grandi dans un village qui n’avait pas la réputation de produire de grands personnages. Il a parcouru les chemins d’un pays sans renom, les sentiers de moutons comme les routes principales. Il s’est assis à la margelle des puits pour se reposer et de désaltérer, comme tout le monde. Il s’est penché sur des malades avec bonté, sans allure hautaine. Il a mangé avec de pauvres gens. Et il a poussé l’humilité jusqu’à accepter d’être rejeté et condamné afin que «le désir de s’entendre l’emporte sur la guerre», afin que «la soif de vengeance [fasse] place au pardon» et que «l’amour triomphe de la haine» (Prière eucharistique pour la réconciliation II).
Les premières pages de la Bible nous avaient dit que nous étions créés à l’image de Dieu. Mais voilà que nous découvrons que c’est plutôt Dieu qui se fait à notre image et à notre ressemblance. Ou du moins, à ce que nous pourrions être: des hommes et des femmes de bonne entente, des hommes et des femmes de pardon. L’humilité de Dieu nous a appris ou rappelé que nous ne sommes pas faits pour nous dominer les uns les autres, mais pour faire attention les uns aux autres. Notre bonheur n’est pas fait de puissance et de conquête, mais plutôt d’ouverture aux autres, de partage, de compassion, de don. «Il n’y a pas de plus grand amour (et de plus grand bonheur!) que de donner sa vie pour ses amis.»
Dans toute son humilité, Dieu ne nous dit pas de nous mépriser pour aimer les autres. Donner sa vie ne signifie pas s’écraser, se détruire. Dieu, l’humble Dieu, nous dit qu’il n’y a pas d’amour sans l’aveu de notre pauvreté, sans la reconnaissance de la grandeur et de la richesse de l’autre. Ben Sirac dit: «L’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute» (Siracide 3, 29). L’idéal de tout être humain, c’est attendre quelque chose de l’autre plutôt que de chercher à se suffire à soi-même. Et Jésus d’ajouter une invitation à vivre avec les autres dans la gratuité: «Tu seras heureux, parce qu’ils n’ont rien à te rendre» (Luc 14, 14).
Depuis plus de deux mille ans, des hommes et des femmes se rassemblent autour d’une table. Devant eux, un peu de pain, un peu de vin. Presque rien, d’humbles choses. Et ils chantent les merveilles de Dieu. Quand ils proclament: «Dieu Tout-Puissant, le Très-Haut, le Très-Saint, le Très-Grand», ils pourraient ajouter en toute vérité: le «Très-Humble»!