Un jour, Jean Vanier demandait au psychiatre de l’Arche, Patrick MATHIAS : « Quelle est pour toi la maturité d’une personne humaine ? » Il a répondu spontanément : « La tendresse ». Et il a écrit cette page que sa femme a trouvé après sa mort…
La tendresse comme lien social, comme sentiment exprimé, reste souvent tabou, cachée. Elle nous appelle trop à offrir ce que nous avons de tendre, de doux, plus de carapace protectrice. Nous nous exprimons et risquons à tout instant d’être blessés. Comment pouvons-nous tenter l’aventure du contact interhumain, doux et délicat, rassurant, avec un geste de désir affectueux et calmant ?
La tendresse, c’est l’unification de l’être. Elle apporte une sécurisation avec le soulagement de craintes d’abandon, de perte ou d’isolement. Elle est confirmation de chacun, elle renforce l’autre dans son sentiment d’exister et confirme sa valeur. C’est le sentiment affectif des échanges et elle donne sens à la rencontre qui n’est pas une persécution, une dévoration.
La tendresse apporte un relâchement, un sentiment de bien-être, un assouplissement des défenses. C’est un sentiment charnière, elle tempère les vicissitudes, les tensions, les incohérences. Elle est le signe de la complémentarité, à la fois un élan et un repos, mouvement et stabilité, à la fois mode de communication et information sur l’état intérieur.
Combien de fois sommes-nous surpris d’éprouver cette émotion, ouverture sur soi-même, sur autrui, sur notre « nous » de similitudes, de complexité, d’affinités. Protégeant le délicat en chacun, elle est le vecteur des intuitions profondes. Ne pas juger… et pouvoir comprendre, remplacer le jugement par la compréhension dans la relation à soi. Entre deux, dans la famille, dans la vie sociale, dans la vie professionnelle, entre cultures différentes.
Ouverture sensible et participation distanciée à la vie d’autrui. La tendresse évite cet écran qui nous priverait du trésor humain fait d’amour et d’intelligence. Comprendre, compatir au sens de partager, implique de ne pas réduire un sujet à une partie de lui, de ne pas le couper de son être pour que le sentiment d’altérité l’emporte.
La tendresse, c’est à l’intérieur des choses, c’est le pôle opposé à la violence. Elle implique la compassion, cette capacité à souffrir avec autrui avec l’idée d’un destin commun. La souffrance est inséparable du bonheur. Être adulte, c’est être tendre, c’est être fragile, come tout le monde. Nous avons découvert la tendresse à l’Arche mais elle est appelée à être au cœur de toute relation, au cœur de nos familles, de l’Église et de la société. La tendresse est espérance au cœur d’un monde de violence.
Texte emprunté à la revue Lettre des Équipes Notre-Dame, N° 201, mars-avril 2013, p. 9.