En 1315, le savant catalan Raymond Lulle termine sa longue et féconde trajectoire sur terre.
Né d’une famille noble de l’île Majorque, terre de rencontres mais aussi de fréquents conflits, au XIIIe siècle, entre juifs, chrétiens et musulmans, Raymond Lulle passa sa vie à chercher à connaître et à comprendre en profondeur la culture musulmane en ce qui constitue sa différence, pour lui apporter le message de vie de l’Évangile.
À une époque d’antagonismes cruels, d’expulsions et de massacres, il sut chercher la voie du dialogue en étudiant, seul, les langues orientales et la tradition philosophique arabe et en effectuant divers voyages sur les côtes de l’Afrique du Nord, avec pour toute arme sa foi et son intelligence.
Devenu théologien et philosophe de renommée internationale, il reçut sur la fin de sa vie une récompense partielle eu égard aux humiliations dont il eut à souffrir de la part des Sarrasins, mais aussi des chrétiens, ses coreligionnaires qui l’avaient peu compris quand il lui fut permis d’exposer sa méthode théologique originale dans les grandes universités de l’époque.
Lulle mourut dans des circonstances imprécises, au retour d’un de ses multiples voyages en terre sarrasine, après avoir laissé une extraordinaire production littéraire (environ 300 ouvrages dont le Livre du païen et des trois sages), à laquelle puiseront des hommes de haut niveau comme Nicolas de Cues, Pic de La Mirandole et Giordano Bruno.
Selon certaines traditions, les dernières années de sa vie, il aurait été accueilli dans l’Ordre des franciscains et serait mort martyr. La date de ce jour est celle où les Franciscains fêtent sa mémoire.
Le livre du païen et des trois sages. de Raymond Lulle
« Au sortir d’une cité, trois sages se sont rencontrés:
l’un était juif, l’autre chrétien et l’autre sarrasin.
Dès qu’ils s’aperçurent, ils se saluèrent, échangèrent
le baiser d’accueil avec joie, décidant d’un commun
accord de se tenir un peu de temps compagnie.
Chacun prit des nouvelles des conditions de vie,
de la santé et des désirs des autres; ils convinrent de
cheminer ensemble, pour reposer leurs esprits fatigués
par l’étude… Leur conversation une fois terminée,
ils prirent congé l’un de I’autre avec grande amabilité:
chacun, demanda aux autres de bien vouloir lui pardonner
au cas où il aurait eu quelque parole déplaisante
au sujet de leur loi; et chacun pardonna.
Or sur le point de se séparer l’un dit : « Messieurs,
quel profit allons-nous tirer de l’occasion qu’il nous a été
donné de vivre ? Ne pourrions-nous pas discuter un peu
chaque jour, en respectant toujours les règles que dame
Intelligence nous a manifestées ? Et ne pourrions-nous
pas prendre l’engagement de nous rendre tout honneur
et entraide, afin de parvenir plus tôt à un accord ?
Ce sont en effet, la guerre, la souffrance, la malveillance
et la vieille habitude de nous infliger l’un à l’autre
des injures et des préjudices qui empêchent les hommes
de s’unir dans une même foi. »
Témoins de Dieu, Martyrologe universel, Bayard pp. 388-389